Bals, petits bals
Pour le compte des Presses de la Cité et sa fameuse collection des Terres de France, Henriette Bernier signe un ouvrage écrit comme un roman mais qu’on pourrait tout aussi bien qualifier de chronique historique contemporaine.
En effet entre les destins mêlés des sœurs Juliette et Camille, c’est toute l’histoire de nos bals des années 1950 à 2000 qui nous est ainsi contée.
En 1954, Juliette a 18 ans, Camille deux de moins. Dans le petit village de la Meuse où elles sont nées, ont grandi et commencé à travailler, l’aînée comme couturière, sa cadette comme employée des Postes et Télécommunications, le bal du dimanche est un événement sacré pour rompre la monotonie des longues semaines œuvrées, rencontrer les anciennes camarades d’école ou amies plus fidèles et, tôt ou tard, celui qui deviendra l’époux bien nommé. Si Camille n’en est pas encore là, Juliette, elle, va profiter très vite des « petits tours sur le petit chemin » et des promenades en barques sur le lac voisin. Mais la guerre d’Algérie se profile à l’horizon. Les fiancés et jeunes maris appelés à combattre en reviendront-ils ?
On retrouve ensuite nos deux héroïnes 20 ans plus tard, heureusement mariées, mères de famille attentives et professionnelles accomplies. Suivant et encourageant les carrières de leurs époux ou les réussites scolaires de leurs enfants, Juliette et Camille se doivent à présent de les accompagner dans des bals caritatifs ou lors de sorties en discothèque !
A l’aube des années 2000, les deux sœurs sont désormais de charmantes vieilles dames, épouses, mères et grands-mères tendrement chéries, qui n’hésitent pas à « encore » aller danser lors des thés dansants organisés ici et là. Si ces derniers n’ont plus, pour elles, le charme des guinguettes de leur jeunesse, elles y trouvent encore de belles occasions d’y rencontrer leurs amies de toujours.
Avec une plume agréable tantôt légère, tantôt plus sombre, Henriette Bernier nous livre ici un récit des plus attachant. On se laisse porter au rythme des saisons, des années, avec une tendre douceur qui laisse rêveur. Sans qu’on y prenne garde, la vie s’écoule suivant l’Histoire et ses évènements : la guerre d’Algérie, les Trente Glorieuses, mai 68, la crise économique, la montée du chômage (quand le premier million faisait tellement peur !) puis la connaissance du Sida, les précautions que cette maladie a imposé à travers son indispensable « Sortez couvert »… Rien n’est laissé au hasard ou négligé. La vie de ces deux sœurs, à l’image de millions d’autres en France, nous est relatée en toute simplicité et en même temps un profond respect pour la part qu’elles ont occupée, ou occupent encore, dans l’évolution de notre pays.