Nos corps étrangers

Publié le par Martine

Nos corps étrangers

Nouvelle lecture pour l'association des 68 premières fois et nouvelle claque ressentie pour "Nos corps étrangers", le premier roman de Carine Joaquim paru chez La Manufacture des livres (une maison que je vais d'ailleurs suivre de plus près pour la qualité de sa ligne éditoriale et de ses publications).

Tout commence la veille de la rentrée scolaire que Maéva fait en décalé suite au décès de sa grand-mère paternelle. La jeune fille en a gros sur le coeur, pas tant à cause du départ de cette aïeule avec qui elle avait très peu de relations qu'à cause de la décision que ses parents, Elisabeth et Stéphane, ont pris de quitter Paris et sa vie trépidante pour cette petite ville de banlieue où Maéva s'apprête à découvrir son nouveau collège.

Pour le couple parental, cette décision ressemble beaucoup à un nouveau départ, une deuxième chance pour tenter de retrouver leur complicité et leur entente d'antan évaporées peu à peu depuis que Stéphane a trompé Elisabeth. Dans ce trio familial, chacun s'attache à jouer le rôle qui lui est dévolu : Stéphane en mari repenti, Elisabeth l'épouse compréhensive et Maéva, jolie fillette sans histoires à part celles qui rythment sa vie d'enfant sage et toujours souriante. Ce qui n'est plus le cas au moment de ce déménagement et ce que la jeune adolescente va faire comprendre à ses parents entre subtilités, silences et rebellions. 

Cette lecture m'a profondément bouleversée. Tant par son contenu que par sa forme. L'écriture est simple et profonde à la fois. Les situations, les faits, les émotions, les griefs, les rancunes y sont exposées en toute simplicité, presque avec banalité, et, en même temps, nous donnent à en ressentir les effets et conséquences dans une sorte de chute vertigineuse. C'est comme si on prenait pleinement conscience de ce qui se passe trop tard, quand c'est fait, passé et qu'on ne peut plus revenir dessus.

L'intime y est aussi omniprésent. La place donnée aux corps également. Le corps de l'adolescente en cours de formation, ceux des parents qui commencent à s'effriter, se faner, pas de manière franche, mais plus insidieusement, plus sournoisement presque. Et ça fait peur, ça inquiète, ça crée des jalousies, des rivalités conscientes ou pas. De jour en jour, il faut apprendre à se connaitre autrement, se découvrir, se reconnaître, l'autre et soi. Faire avec. S'adapter. Et ce n'est pas facile quand trop de non-dits, de sentiments floués ou bafoués ont été retenus, cachés. Ce n'est plus seulement une installation dans un nouveau cadre qu'il faut réussir mais transplanter une cohabitation qui au fond ne souhaite pas être autre chose. Ou alors différemment. Et là, l'imagination et la sensibilité exacerbée de Carine Joaquim prennent toute leur dimension.

Nos corps étrangers
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M
Tu en parles si bien que tu me donnes envie de découvrir ce jeune auteur et son premier roman. Une histoire qui ne peut que nous toucher en effet. Merci pour la découverte, je le note bien entendu
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M
Je t'en prie, chère Manou. Merci