Le vieux qui déjeunait seul
Quand un écrivain dont on apprécie particulièrement l'oeuvre littéraire vous conseille la lecture des deux premiers romans d'une jeune auteur, votre curiosité est piquée et vous n'avez alors qu'une envie : lire ces deux romans. J'ai donc réservé le premier à ma médiathèque, l'ai emprunté hier matin et lu d'une traite hier soir! (Bon, j'avoue, il est assez court!!!)
Ce roman "Le vieux qui déjeunait seul" est le premier écrit par Léa Wiazemsky et paru chez Michel-Lafon en 2015. Il nous met en présence de Clara, belle jeune femme de 27 ans, serveuse dans un restaurant, qui cache derrière une belle humeur de façade un bien lourd secret. Parmi les nombreux clients du restaurant, Clara a remarqué cet homme âgé, qui vient manger tous les lundis midis, toujours seul, et qui prend toujours le même menu. Sa présence l'intrigue tellement qu'elle lui a trouvé un prénom "Henri" et qu'elle aimerait beaucoup le connaître davantage. Alors, le jour où il vient manger en compagnie des "Illusions perdues" de Balzac, elle ose lui parler, lui dire que ce roman l'a beaucoup émue. Quitte à regretter cette intrusion dans la vie du vieux monsieur immédiatement après et à culpabiliser au point de ne pas pouvoir aller travailler le lendemain! Mardi où, pour la première fois, le vieil homme, Clément, touché par le regard et les mots de Clara, est revenu prendre son repas au restaurant et vit mal la déception de ne pas y trouver la jeune femme.
Quand elle l'apprend, le lendemain, Clara s'en veut et se met à attendre le lundi suivant avec impatience. Or Clément, victime d'un infarctus, est hospitalisé et ne se présente pas à leur rendez-vous tacite. Heureusement le destin fait bien les choses. Et dès son retour dans son appartement, le vieil homme revient au restaurant bien décidé à faire vraiment connaissance avec Clara et à partager avec elle leurs blessures secrètes respectives dans une relation de grand-père à petite-fille dont l'un et l'autre ont été privés jusqu'à ce jour.
Je ne vous le cache pas. Cette lecture m'a bouleversée et je n'ai eu qu'un mot à adresser à Paul Couturiau pour son conseil "Merci". Et j'espère qu'il ne m'en veut pas trop pour l'envoi très tardif de ce mot de remerciement.
Cette lecture m'a émue, bouleversée, pour son histoire d'abord : la rencontre improbable entre deux êtres à l'opposé l'un de l'autre et pourtant si proches par leurs vécus personnels. Cette lecture m'a bouleversée par tout ce qu'elle soulève ensuite. Le poids des secrets de famille, lourd héritage ben difficile à porter par les jeunes générations qui les reçoivent et doivent apprendre à vivre avec. Et, surtout, une magnifique leçon d'Histoire, la grande, celle dans laquelle les gens, les humbles, se trouvent pris, embarqués, à leur corps et à leur coeur défendant, celle que l'on lit et apprend dans nos livres scolaires et qui devient terrifiante et troublante de réalité dans les récits et les romans.
Et puis, ce roman m'a émue par l'histoire d'amour qui se noue, tant bien que mal, entre Clara, la "Clarinette" de Clément, et Fabien, le jeune serveur du bar à côté de chez elle, dragueur impénitent qui découvre le véritable amour dans les bras de la jeune femme.
Pour toutes ces raisons, j'ai aimé ce roman. Mais j'ai apprécié également l'écriture fine et raffinée de Léa Wiazemsky, la tendresse qui déborde, les notes d'humour et l'empathie véritable que l'on éprouve envers ces trois existences meurtries et qui ne demandent qu'à trouver l'apaisement.
Je vous l'ai dit au début de ce billet, Léa Wiazemsky vient de publier un deuxième roman... que j'ai très envie de lire à présent!