Cent millions d'années et un jour
Cette fois-ci, ce n'est pas un premier roman que nous invitent à lire les fées des 68 premières fois mais un second. Celui, "Cent millions d'années et un jour", que Jean-Baptiste Andréa publie à nouveau chez L'Iconoclaste après le très remarqué "Ma Reine". Premier roman qui a reçu le Prix des lecteurs de notre médiathèque La Passerelle en 2018, pour lequel j'avais voté d'ailleurs, et qui nous a offert une très belle soirée en compagnie de son auteur il y a environ un an.
Alors autant vous dire que j'appréhendais un peu de lire ce deuxième ouvrage, de peur d'être déçue sans doute mais avec quand même la garantie de ne pas l'être trop du fait que ce roman fasse partie de la sélection des 68. Et puis aussi parce que je l'ai emprunté à La Passerelle justement et que Cathie, bibliothécaire amie, me l'a bien vanté!
Nous voici donc en 1954, l'été commence à peine dans ce petit village que je situe entre les Hautes-Alpes et les Alpes de Haute Provence, en tout cas dans ces terres restées proches de la nature, en France, mais pas loin de ma chère Italie. C'est là que vit Stan, paléontologue qui voit l'heure de prendre sa retraite arriver à grands pas. Stan, c'est un poète, la tête pleine d'imagination et de rêves à réaliser dont celui, sans doute insensé, sûrement insensé, de (re)trouver l'ossature, le squelette même, d'un dinonaure, brontosaure ou apatosaure, dont il est sûr qu'il a vécu ici, dans cette région, dans ces montagnes alpines il y a de cela des millions d'années. Mais ce rêve qui lui offrirait une fin de carrière en apothéose, Stan ne peut pas le réaliser seul. Il demande alors à Umberto et Peter, deux scientifiques comme lui mais plus jeunes, en meilleure forme et santé, de partir là-haut, vers ce sommet de glace où ils trouveront forcément ce squelette.
Bien que plus mesurés dans leur enthousiasme, Umberto et Peter font confiance à Stan. Et, accompagnés également de leurs amis Gio et Youri, tous les cinq s'élancent vers cette conquête dont il faudra sortir vainqueur avant l'hiver, avant qu'il ne fasse trop froid et qu'il ne soit plus possible, ou alors au prix de trop gros efforts, de redescendre...
Que vous dire de plus que ce que ce modeste résumé ne vous ait pas déjà fait comprendre? Que ce roman est pour moi un véritable roman d'aventure humaine, celle d'un homme au seuil de sa vie, de son besoin essentiel, quasi viscéral de se prouver sa véritable valeur? Oui, avant toute chose. Mais c'est aussi une histoire d'amitié, une histoire d'hommes, faite de respect et parfois de colère ou d'envies. De par l'ascension entreprise et ce fameux projet à faire aboutir, tous les sentiments se trouvent exacerbés, passent d'un extrême à l'autre. On ne voudrait pas agir de telle façon. On ne le ferait pas en temps normal. Sauf que là, le temps nous est compté. Il faut réussir et redescendre avant que l'hiver et le froid glacial ne s'installent vraiment. Remontent alors des pensées, des souvenirs, des émotions qu'on a envie de partager. Ou pas.
Et c'est là qu'explose tout le talent de raconteur de Jean-Baptiste Andréa, dans cette atmosphère à la fois virile et où l'enfance est terriblement présente. On l'éprouve. On la voit. On y est. Et même on ne demande que ça, se laisser prendre, emporter, avancer au côté de ces hommes, vouloir prendre Stan par la main, ne pas oser, avoir envie de consoler l'enfant en lui qui ne l'a jamais ou si peu été, lui montrer qu'il n'a pas besoin de réaliser ce rêve fou pour exister. Et on se laisse faire parce qu'il y a tellement de poésie dans les mots de Jean-Baptiste Andréa, tellement d'humanisme qu'on ne peut pas faire autrement que d'avancer et d'aller au bout.