La passion Inès
Une histoire d’amour contrarié sur fond de guerre d’Espagne, voilà ce que nous propose Marie-Claude Gay avec ce roman « La passion Inès » paru aux Presses de la Cité.
Virgile est journaliste dans un grand titre bordelais. En 1936, alors que la situation politique commence à s’enflammer en Espagne, son directeur l’y envoie en tant que correspondant de guerre. C’est dans ce pays déjà bien meurtri qu’il fait la connaissance d’Inès, une jeune, belle et ardente madrilène qui défend les idées des républicains et avec qui il vit une liaison intense mais de courte durée. Car Virgile est marié et ne supporte pas la seule pensée d’avoir pu tromper sa femme de cette manière aussi soudaine qu’imprévisible. Aussi, pour mettre un peu de distance entre Inès et lui, il part pour Tolède couvrir les affrontements entre l’armée du général Franco et les républicains. Son travail et les hasards de la vie font alors qu’il se retrouve à l’Alcazar pour y interviewer des opposants à la dictature et c’est là qu’il rencontre une jeune musicienne sur le point d’accoucher. L’aidant dans son enfantement juste avant qu’elle ne soit assassinée par les franquistes, Virgile se voit désormais seul responsable du nouveau-né. N’ayant pas d’autre solution et connaissance fiable en Espagne, il décide donc de retraverser, à ses risques et périls et à ceux du bébé, le pays dévasté pour confier l’enfant à Inès qui se trouve à présent à Guernica.
Cette lecture se fait d’une traite tellement son sujet est prenant et ne nous laisse pas le temps de souffler. Car entre l’amour évident, bien que réprouvé, entre Inès et Virgile, c’est la guerre d’Espagne vue par les yeux d’un grand reporter qu’il nous est donné de découvrir. Les idées qui opposent les républicains aux franquistes se révèlent dans leur intensité et leur réalité aussi insensées et cruelles soient-elles. Aucun parti-pris ne nous est imposé et force est pour nous de nous rallier aux sentiments du couple avec gré ou mal gré. Car c’est aussi à l’état d’esprit fiévreux de Virgile que le lecteur est confronté. Entre sa culpabilité à vivre sa passion dévorante pour la belle et rebelle Inès, l’engagement qu’il prend bien malgré lui vis à vis du nouveau-né et sa volonté farouche à le respecter et à le protéger coûte que coûte, sa vision du monde très sérieusement ébranlée et l’espoir insensé mais bien présent qu’il se prend à ressentir au côté de cette population entrainée dans une Histoire bien réelle, c’est quasiment à la renaissance d’un homme qu’il nous est offert d’assister.
Ce roman nous bouleverse, nous émeut, nous tire des larmes d’impuissance ou d’espoir, nous transporte et nous fait partager un parcours qui, s’il nous paraît par des bien des côtés hors du commun, a du être vécu de manière semblable par de nombreux hommes. Une découverte de la guerre dans ce qu’elle a de plus vil et un engagement contraint et cependant nécessaire.