De mal à personne
Où l’on retrouve avec grand plaisir le commissaire Kolvair et le professeur Salacan sous la plume unique d’Odile Bouhier pour le compte des Presses de la Cité.
Avec une action toujours située dans les années 1920, les deux acolytes avec qui nous avons fait connaissance dans « le sang des bistanclaques », œuvrent désormais en grand secret sous les combles du palais de justice de Lyon.
Tandis que le professeur Salacan est appelé à Londres pour participer à un colloque mondial sur la criminologie, le commissaire unijambiste se retrouve chargé d’enquêter sur le meurtre de Firmin Durard, riche industriel lyonnais dont la mort par arme blanche dans la cour du Grand Hôtel soulève de nombreuses questions.
Pour cause d’absence de Salacan, c’est le jeune médecin Durieux qui doit autopsier le corps de l’industriel et collaborer avec Kolvair au laboratoire scientifique. Ses résultats d’analyse démontrent alors et sans équivoque le fait de cet acte criminel par un enfant dont la présence dans l’hôtel est vite certifiée.
Comment cela est-il possible ? Et surtout pourquoi un enfant en serait-il arrivé à assassiner ce riche industriel ? Quelle puissance intime aurait-elle pu l’y pousser ? Quel drame s’est-il joué entre les deux protagonistes, l’adulte et l’enfant, pour que ce dernier en vienne à tuer froidement et visiblement sans remords ni regrets l’industriel ?
Une nouvelle fois le duo d’experts que constituent le couple Kolvair Salacan ne sera pas trop de deux pour résoudre cette affaire sordide et ô combien riche en rebondissements de toutes sortes, qui vont les pousser dans une direction inattendue et les amener à réviser leurs plus intimes convictions.
Avec « De mal à personne », Odile Bouhier poursuit de manière encore plus forte la série commencée avec « le sang des bistanclaques ». Si les balbutiements de la médecine légistes sont encore très présents dans le texte, l’auteur nous ouvre ici les portes d’un Lyon méconnu et d’un univers sombre et à la limite du supportable. S’appuyant sur des recherches précises et très documentées, avec des dates et des recoupements facilement vérifiables, gardant cependant une trame romancée « tendance noire » pour nous tenir en haleine de la première à la dernière ligne, Odile Bouhier joue sur tous les exercices de style de l’écriture policière. Le meurtre, l’enquête et la découverte d’abord toute en nuance puis de plus en plus terrible d’un univers dont on sait qu’il existe mais qui se dévoile ainsi sous nos yeux de lecteur dans toute son horreur et son incompréhension, tout est prétexte pour l’auteur à nous emmener là où elle le souhaite avec talent, sans nous brusquer mais sans nous laisser le temps de lâcher prise. Du bel art.