Chambre 442

Voici un livre qui dérange, qui heurte et qui ne s'oublie pas!
Parue dans la collection "En attendant le bus" des éditions Jacques André, cette histoire courte de 72 pages de Diane Peylin nous révèle toute la cruauté dont sont capables des hommes, des actes et des situations abominables dont nous avons connaissance mais que nous ne relevons pas parce que cela se passe loin, très loin, et que nous ne nous sentons pas concernés finalement...
Après avoir fui un père, violeur et père à la fois de la fillette qu'elle va mettre au monde, Lee, petite jeune fille Thaïlandaise, atterrit à Trang, une "ville tranquille et sans charme" située à des centaines de kilomètres de Bangkok.
Enceinte jusqu'au cou, elle est interpellée par Noy, un jeune homme de confiance de prime abord, qui l'emmène chez son ami Monsieur Ling, gérant d'un hôtel restaurant au 4ème étage duquel se trouve cette fameuse "chambre 442".
Cette chambre où la jeune fille, devenue "Lili" dans l'intérêt du "métier", va rester isolée, prisonnière, incapable d'en sortir.
Cette chambre où on la drogue pour qu'elle n'ait pas conscience des outrages infligés à son corps par des hommes vils et abjects qui peuvent assouvir ainsi leurs plus sombres fantasmes.
Ce texte est une véritable descente aux enfers. Pourtant Lee espère, croit en un meilleur possible, un avenir proche où elle pourra retrouver sa petite fille, sa chère Marilyn, un futur bonheur qu'elle partagera avec celui quelle appelle son "Prince" aperçu dans la montée d'escalier et qui a semblé si bon, tellement différent des autres...
Dans toute cette noirceur (et jusqu'à la dernière ligne), nous aussi on s'accroche. Avec Lee, on partage ses souvenirs d'enfance, l'amour d'une mère (même si hélas! celle-ci n'a pas pu la protéger comme il aurait fallu), l'admiration qu'elle porte à Madame Sheng, femme belle et mystérieuse, épouse respectée d'un notable de son petit village, et qui lui a donné des rêves de réussite sociale et de bonheur.
Avec Lee, on a envie d'espérer que toute cette cruauté va cesser, que cet avilissement du corps n'est que provisoire, que tout ça va s'arrêter. Certes ce sera le cas, brutal et pourtant, sans doute, la seule fin possible à cette non vie.
Ce texte, lourd et profond, et d'une grande sensibilité en même temps, se lit très vite. Peut-être pas vraiment "en attendant le bus" mais dans la quiétude d'un chez-soi protégé et rassurant pour ne pas sombrer également dans cette incompréhension d'un monde... incompréhensible.