Impasse Verlaine
Jeudi dernier, 27 janvier, j'ai eu la grande chance d'assister à la rencontre avec l'écrivain Dalie Farah organisée à ma médiathèque La Passerelle. Et d'en repartir avec ses deux romans autobiographiques (achetés sur commande à recevoir à la médiathèque) et mis d'office entre mes mains par Patricia, bibliothécaire et blogueuse littéraire sous le pseudo de PatiVore, en me proposant deux lectures communes. Je vous invite à retrouver sa chronique ici.
Aujourd'hui, nous vous présentons "Impasse Verlaine" et mardi prochain, 8 février, nous vous parlerons de "Le doigt", pour respecter l'ordre de publication de ces deux romans parus également chez Grasset.
"Impasse Verlaine", c'est la double histoire de l'auteure, Dalie Farah, et de sa mère, Djemaa. Prénom qui, si on le traduit, signifie Vendredi. Tout simplement parce que Djemaa est née un vendredi.
La petite bergère Berbère, Djemaa-Vendredi, grandit dans les montagnes des Aurès algériennes. Son père meurt assassiné sous ses yeux impuissants de fillette. A 15 ans, elle est mariée à un homme de 20 ans son aîné parce qu'elle gêne, occupe une place inutile pour sa propre mère et sa fratrie. Cet homme, désormais son mari, l'emmène en France, du côté de Clermont-Ferrand, dans une cité HLM comme il y en a tant, située "impasse Verlaine" où nait Dalie Farah le 22 février 1973.
Entre évocations parcimonieuses confiées par Vendredi à sa fille et les propres souvenirs d'enfance, puis d'adolescence, de l'auteure, se reconstitue cette double trajectoire ponctuée de violence. Celle, physique, qui s'abat sur la jeune Vendredi et à laquelle elle soumettra sa fille. Celle invisible, qui en devient tristement banale quand elle est quotidienne.
Pour ne pas finir comme sa mère, femme de ménage aux doigts déformés par l'arthrite et souffrant de mille maux, Dalie s'enferme dans la lecture, les études, développe une soif d'apprendre, gagne un concours d'éloquence qui lui ouvre la porte de son rêve le plus fou : devenir professeur.
Cette histoire m'a profondément émue. Que ce soit lors de cette magnifique rencontre, jeudi dernier à La Passerelle, ou pendant ma lecture en quelques heures à peine. J'aurais tellement voulu un autre destin pour Djemaa-Vendredi. La petite bergère ignorée et ignorante qui ne trouve de bonté et d'affection que dans les yeux de son père n'a pas le temps de s'en construire un. De victime, elle est devenue bourreau. Reproduisant le seul modèle "d'éducation" connu. Comment aurait-il pu en être autrement?
Ce roman autobiographique, Dalie Farah nous a confié n'avoir pu l'écrire qu'à la troisième personne du singulier. Pour avoir le recul nécessaire à l'écriture. Porté par une écriture sensible et flamboyante, il nous parle de violence intrafamiliale, sur laquelle nombre de personnes préfèrent fermer les yeux. Mais aussi d'amour filial. Un amour sincère, viscéral, qu'il faudra cependant fuir.
Bien qu'il ait obtenu plusieurs prix littéraires, je ne connaissais pas ce roman. Sa lecture fut une bouleversante découverte pour moi.