La porte de la salle de bain
Rien qu'en lisant le titre de ce court roman à mettre entre les mains de tous les jeunes lecteurs à partir de 10 ou 11 ans, vous comprenez, comme moi, où Sandrine Beau veut nous emmener pour les éditions Talents Hauts.
A 12 ans, Mia se désespère de voir sa poitrine se former bientôt. Aussi quand ce jour tant attendu arrive enfin, elle se sent autre. Comme si, d'un coup de baguette magique, elle avait laissé son statut de petite fille.
Sauf que ce n'est pas vraiment le cas. En son for intérieur, Mia sait bien qu'elle est encore une enfant, qu'elle n'est pas vraiment prête à partager ce nouveau statut. Et surtout pas avec Lloyd, le nouveau compagnon de sa mère, musicien qui passe sa vie à "composer" vautré sur le canapé du salon. Ce qui n'est pas du tout du goût de la grand-mère de Mia mais convient bien à sa mère qui peut ainsi compter sur lui, sur sa présence dans l'appartement familial quand Mia et son petit frère rentrent après la classe et qu'il veille sur les enfants quand elle travaille de nuit.
La première fois où Lloyd entre dans la salle de bain au moment où Mia sort de sa douche, elle pense qu'il s'agit d'une méprise. Mais le doute n'est plus permis quand cela se reproduit. Comment faire cependant quand ses ruses pour éviter cette situation échouent et que sa mère semble se ranger du côté de Lloyd? A qui en parler? Comment faire comprendre ce qui se passe sans avoir à poser des mots sur ces regards et ce comportement qui la gênent et que, d'instinct, elle sait dangereux?
C'est cette situation et toutes ces interrogations que Sandrine Beau nous donne à lire là avec tact et une grande pudeur. Pour dire aux jeunes filles et garçons qu'ils ne sont pas seuls, qu'ils doivent signaler toute atteinte à leur intégrité physique ici, mais aussi morale et intellectuelle. Dans ce roman, tout finit bien. Mais combien de silences? Combien de peurs? Combien de larmes? Combien de drames encore? Pour combien de Mia?
Heureusement, la littérature peut aider, ou tout au moins soulager et montrer le chemin des mots, de la parole et de la confiance. En cela, ce roman de Sandrine Beau est exemplaire.