Un instant et je suis à toi
Grand plaisir à retrouver la plume légère et malicieuse de Laurence Erwin, cette fois-ci associée à celle tout aussi savoureuse d'Elisabeth Faure dans cette comédie romantique du meilleur effet.
Imaginez un quartier, Merlin de son nom (comme l'Enchanteur), au charme désuet, aux habitants complices et fiers de lui conserver son authenticité.
Dans ce quartier, imaginez Alice, jeune femme qui y a grandi et repris la boucherie pour y ouvrir un bar à la fois salon de thé et snack, où chacun, à commencer par son meilleur ami Raphaël, installé comme coiffeur, s'attache à venir y apprécier un p'tit noir ou un en-cas, ou encore une délicieuse pâtisserie. De suite vous sentez l'ambiance conviviale qui y règne et vous la laissez vous envelopper sans opposer la moindre résistance.
Imaginez maintenant qu'en face de ce bar se trouve un restaurant "le fin pâté" fermé depuis des années. Un établissement qu'Alice aurait volontiers acheté mais trop cher pour ses modestes moyens. Alors, quand la pancarte "à vendre" est enlevée, les conversations vont bon train pour savoir quel type de restaurant va bientôt lui redonner vie.
Sauf que ce n'est pas vraiment ce que le nouveau propriétaire Valérien a en tête, ni restaurant, ni pizzeria comme sa famille italienne pouvait le laisser supposer. Non, ce que le séduisant jeune homme (car, oui, il est à tomber) souhaite ouvrir, c'est un bar de standing où il pourra accueillir des expositions et donner leur chance à des artistes en mal de renommée. Un beau projet certes. Mais qui contrarie vraiment Alice. Car deux bars face à face, c'est forcément un de trop. Et c'est ainsi que je me suis laissée prendre par cette comédie charmante et drôle où tout est joué d'avance évidemment mais qui réussit le prodige de nous tenir en haleine du début à la fin.
Par son ton d'abord, résolument léger, gai et à l'humour décapant. Par son ambiance, bon enfant, douillette. Par les situations souvent incongrues, souvent cocasses dans lesquelles le duo d'auteures plonge ses protagonistes. Par ses personnages aussi, hauts en couleurs, tous plus attachants les uns que les autres avec leurs bons et leurs mauvais côtés, leurs caractéristiques, leurs présences attendues, ou pas. Par ses deux jeunes gens dynamiques et persévérants, qui n'hésitent pas à employer les grands moyens (ou d'autres plus tordus) pour conserver ce qu'ils ont bâti ou vont bâtir. Deux jeunes gens qui croient en leurs rêves et bien déterminés à les réaliser. Et bien sûr je n'oublie pas Alcatraz dont la présence est source d'émotions, de tendresse, de connivence et d'imprévus.
Et puis enfin, ce qui m'a vraiment plu dans cette romance, c'est ce quartier Merlin. Un quartier où on aimerait vivre assurément. Et côtoyer la complicité que les auteures créent autour avec leurs lecteurs, que ce soit par la voix d'Alice ou celle de Valérien. Cette prise à partie tout du long qui nous inclut dans l'histoire, nous retient (avec notre consentement) pour mieux nous interpeler et nous inclure dans cet univers plein de poésie et de douceur de vivre.
C'est peu de dire que j'ai apprécié cette lecture. J'avais déjà connu la plume sensible de Laurence Erwin dans "Ce qui est à toi est à moi". Là, avec Elisabeth Faure, c'est encore mieux, plus puissant et plus confortable. Un vrai rayon de soleil à partager pleinement dans la morosité actuelle.