Point de fuite

Publié le par Martine

Point de fuite

Il est des lectures qui nous tiennent en haleine de la première à la dernière page et qui nous font pousser un grand "Wouahhhhh" à peine terminées. Le dernier roman de Jeanne Desaubry est de ceux-là et franchement j'ai du mal à le refermer vraiment. Trop d'émotions, trop d'attention, trop d'implication peut-être. Un peu tout cela à la fois, sûrement.

De Jeanne Desaubry, j'aime lire les nouvelles (publiées essentiellement en numérique chez Ska éditeur, tout comme ce roman d'ailleurs). J'avais beaucoup apprécié également son roman "Poubelles girls" lu il y a quelques années. Alors, là, les yeux fermés, j'ai foncé et me suis reçue une bonne claque littéraire en pleine face, en plein coeur!

Tout commence au moment où Marie s'apprête à aller témoigner au procès de celui qui fut son amant, son amour et reste à jamais le père de sa fille, Clémence. René mort, assassiné trois ans plus tôt. René, alors régisseur de Coluche en cette fin novembre 1980. Coluche qui, si vous vous en rappelez, se portait candidat aux présidentielles de 1981. Ce qui avait le don d'agacer, voire contrarier, vraiment des gens haut placés.

Flash back sur cette fin novembre 1980. Depuis deux jours, Marie, enceinte de sept mois, est morte d'inquiétude, sans nouvelles de René. Et personne parmi son entourage proche n'est à même de lui en donner. Personne, à l'exception de la police qui vient lui annoncer que l'homme dont elle partage la vie depuis trois ans vient d'être retrouvé mort, gisant dans une mare de boue, dans un terrain abandonné. 

Pour Marie, cette mort signe non seulement la fin de son histoire d'amour mais aussi la fin de cette vie de "recluse" tenue à l'écart de tout et de tous par René qui ne voulait pas la mêler de trop près aux agissements que sa fonction exigeait. Pour Marie, cette mort marque aussi le retour à la maison familiale, la naissance de son enfant qu'elle va désormais devoir affronter seule, tout comme son éducation, et cette vie longue qui l'attend à présent.

Mais bien sûr, tout cela on le découvre peu à peu. Dans la construction originale qu'a choisi Jeanne Desaubry : un jour, un chapitre. Dans l'enquête qui s'annonce difficile et à laquelle Marie doit participer, bon gré, mal gré, par son témoignage, par l'histoire de son amour qu'elle doit raconter à la police, avec ses bonheurs et ses zones d'ombres, ces moments intimes dont elle a honte et qu'elle aurait voulu tenir cachés à jamais.

Marie avait à peine 18 ans quand elle a connu René qui en avait le double. Elle en a 21 quand il meurt. C'est court trois ans. Mais c'est suffisant pour engranger tout un tas de souvenirs, pour avoir à supporter les attaques perfides (et jalouses) de celle qui a été la première femme, la mère des premiers enfants de René, dont il n'a pas divorcé par ailleurs et qui se proclame la seule veuve. 

Ce roman, c'est tout ça. C'est l'histoire de Marie plongée dans la tourmente, impliquée dans une enquête policière des plus alambiquées, confrontée à la mort, au deuil pour la première fois et face à sa maternité à naître. Pour moi, ce roman, c'est tout ça. Et c'est en plus la présence de celle que, parfois, Jeanne Desaubry nomme discrètement Mme A. la mère de Marie. Très présente, véritable soutien pour sa fille. Qui ne juge pas (ou si peu), qui représente la force, la confiance, dont Marie a tant besoin pour ne pas sombrer, garder la tête hors de cette eau qui l'aspire, pour respirer tout simplement.

Ce roman, c'est l'histoire de Marie dont la jeunesse ne peut que nous émouvoir, et celui de sa mère, ce pendant adulte de la jeune femme, ce que Marie sera aussi un jour pour sa fille. A n'en pas douter!

Je pourrais encore écrire beaucoup sur ce roman, paru si justement dans la collection Noire Soeur des éditions Ska. Mais je vais m'arrêter pour ne pas gâcher votre propre bonheur de lecture. Car c'est ce que vous ressentirez vous aussi. J'en suis sûre.

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B
Je te remercie Martine pour cette excellente chronique déjà tellement émouvante...<br /> Doux week-end à toi.<br /> Gros bisous.<br /> Bernadette.
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M
Merci à toi, chère Bernadette! Très bon week-end à toi aussi et gros bisous