Borgo vecchio
Voici un roman comme il en existe peu. Un roman d'une intensité telle qu'on sent inconsciemment qu'il va nous accompagner longtemps, qu'on aura besoin de le relire encore et cela, peu importe quand, peu en importe la raison. C'est un roman compagnon, un roman ami, et, comme tel, on sait qu'il sera toujours présent pour nous.
Ce roman "Borgo vecchio" (littéralement "vieux bourg"), c'est celui de l'enfance, de l'amitié indestructible telle qu'on la vit dans nos premières années. Ce roman, c'est aussi celui de la pauvreté. Celle dans laquelle vivent ces deux garçons, Mimmo et Cristofaro, dans une Palerme sicilienne qu'on ne saurait vraiment situer dans le temps, parfois très proche de notre époque, parfois très éloignée, comme si cette histoire se déroulait plusieurs décennies plus tôt. Ce roman, cette courte histoire si l'on se fie au nombre de pages (160), c'est celle que nous fait partager l'écrivain Giosuè Calaciura avec tact, avec fougue, avec tendresse, avec une certaine ironie et toujours avec une grande sensibilité et tout en poésie.
C'est dans ce vieux quartier de Palerme, ce "Borgo vecchio" que vivent Cristofaro et Mimmo. Âgés d'une douzaine d'années, une solide amitié les lie depuis leur plus tendre enfance. Ensemble, sur les bancs de l'école ou dans la rue, ils ont fait et font encore les 400 coups. Pour eux dont les familles vivent de manière précaire entre chômage et violence paternels et misérables travaux maternels, leur modèle, c'est Toto, le voleur qui réussit tous ses coups, qui brave la police à longueur de temps, qui frime autant qu'il peut et, surtout, celui qui en impose à tous et que tout le monde respecte dans l'entourage des deux garçons. Mais n'est pas Toto qui veut. On pourrait même dire qu'il n'y a de la place que pour un Toto dans ce Borgo vecchio. Alors...
Entre douceur et violence extrême, entre projets avortés ou esquissés et courses poursuites, ce roman nous raconte une enfance obligée de se débrouiller du mieux qu'elle le peut, nous parle de chance (un peu) et de malchance (beaucoup trop), nous montre la pauvreté et ses dégâts collatéraux et nous confronte à une certaine forme de richesse, celle du coeur, unique, inestimable, qui est là et dont on prend souvent conscience quand il est trop tard.
Ce magnifique roman paru chez Notabilia éditions Noir sur blanc dans la traduction française de Lise Chapuis vient d'être sélectionné pour le Prix Fémina Etranger. Je lui souhaite de tout coeur de le recevoir.