Sans savoir quand
Première des trois nouvelles contenues dans le recueil "Sbirre" paru dans la collection Nero Rizzoli et acheté l'été dernier en Italie, "Senza sapere quando" (Sans savoir quand) est signée Massimo Carlotto.
Dire que j'appréhendais de lire cette histoire serait un euphémisme, ayant déjà fait connaissance avec l'écriture dure et les romans où la violence est très présente de cet écrivain. Mais le Mois du polar chez Sharon m'a permis de sauter le pas et je l'en remercie, m'ayant poussée ainsi à sortir de ma zone de confort, en VO, et cela pour mon plus grand plaisir de lectrice!
Vice-questeur dans la région de Trieste, presque à la frontière de la Slovénie, Anna Santarossa est passée de l'autre côté lorsqu'elle a fait la connaissance de l'inspecteur Zeno Degrassi, dont la réputation de "ripou" n'a jamais été prouvée. Ainsi tous deux agissent en toute impunité au service des mafias slovène et bulgare, leur permettant de passer par la frontière leurs différents trafics sans être inquiétés en échange d'une confortable commission qu'ils se partagent, tout en s'octroyant une nuit de plaisir toutes les trois semaines en toute discrétion.
Ce petit manège est bien rôdé et dure depuis quatre ans. Mais, à présent, Anna a décidé d'y mettre fin ayant "gagné" suffisamment d'argent pour pouvoir s'offrir une nouvelle vie au soleil. Aussi, après une dernière opération réussie et une ultime nuit avec Zeno, Anna est horrifiée d'apprendre le meurtre de ce dernier, signé par la mafia bulgare. Paniquée, la jeune femme essaie de comprendre ce qui a pu justifier ce crime et savoir si elle peut également être dans le collimateur des mafieux. Ce qu'elle ne tarde pas à découvrir à ses dépens.
Après une nuit de violence et de viols collectifs, il lui est demandé de continuer cette collaboration, sans plus aucune contrepartie, si ce n'est d'être ouvertement accusée de corruption et de finir ses jours soit en prison, soit sur un trottoir bulgare.
Ne pouvant plus compter que sur elle-même, à moitié détruite par la nuit d'horreur qu'elle vient de traverser, Anna comprend très vite que ses activités qu'elle pensait secrètes sont connues de ses supérieurs qui se font un plaisir d'en informer son mari et, à leur tour, de la menacer de la pire des condamnations si elle refuse de servir d'appât aux Bulgares.
Dès lors la fuite devient son seul salut. Mais en a-t-elle encore les moyens et la possibilité?
Heureusement que cette nouvelle ne fait que 78 pages, ai-je envie de dire. Mais en même temps, je regrette un peu que la partie consacrée à la fuite d'Anna soit si brève. Je pense qu'elle aurait gagné à être un peu plus développée!
Mais qu'importe! Je me suis vraiment régalée de cette écriture brutale, concise et à la fois sensible. Même si on a du mal à comprendre le comportement de cette femme qui a tout pour elle, la beauté, l'intelligence, une carrière réussie dans la police, l'amour de son mari, une belle maison... et cet appât du gain qui l'a poussée à franchir la frontière de l'illégalité, on ne peut pas rester insensible à tout ce qu'elle traverse quand la situation bascule. Cette nuit d'horreur, même lue en italien, reste vraiment épouvantable et horrible, l'attitude des mafieux égale à ce qu'on peut en attendre. Mais que dire de l'accueil que lui réservent ses supérieurs? Aucune pitié, aucune considération, bien au contraire! Sauf peut-être... Mais je n'en dirai pas plus, ne voulant pas, à mon tour, "trahir" cette histoire...
Ce qui est sûr maintenant, c'est que je pense être prête pour d'autres lectures du genre, à commencer par celles de Roberto Saviano que je m'apprête à découvrir.