Jeuditalie La Massaia
Jeuditalie dédié à la rentrée littéraire aujourd'hui avec ce roman de Paola Masino "La Massaia : Naissance et mort de la fée du foyer" paru aux éditions de la Martinière, collection Littérature.
Ce roman a déjà pour lui toute une histoire. Ecrit sous l'Italie patriarcale de Mussolini, il ne paraîtra qu'en 1945 après moult déboires liés d'abord à son propos qui s'attaque aux institutions et aux valeurs exaltées par le fascisme et s'en trouve censuré, puis à sa publication allégée dans la revue Tempo des éditions Mondadori en 1941 et 1942 et enfin au bombardement de l'imprimerie milanaise des éditions Bompiani qui allaient finalement le publier un an plus tard. Ce qui le fit qualifier de "livre maudit" par son auteur Paola Masino (1908-1989).
Le livre est paru finalement en 1945 après que Paola Masino ait reconstitué, de mémoire, l'édition d'origine.
Mais ce livre, de quoi parle-t-il pour avoir subi une telle opposition ?
Ce roman, c'est l'histoire d'une petite fille qui grandit et vit dans une malle qui lui sert à la fois de lit et de chambre. Lorsqu'elle accepte finalement d'en sortir sous les contraintes maternelle, familiales et sociales, c'est pour passer sous le joug d'un vieil oncle qu'elle épouse, histoire de devenir, comme toutes les femmes alors, une bonne épouse, une bonne mère de famille et surtout une parfaite maîtresse de maison, bref une vraie "massaia".
Or, si elle a grandi ainsi repliée, refermée sur elle-même, à l'écart et à l'abri de tout et de tous. C'est justement dans un total esprit d'opposition au monde et, ce qui peut sembler paradoxal, dans un immense désir de liberté. Ses journées, longues, en totale solitude, en sa seule compagnie, elle les a passées à réfléchir sur le sens de la vie, la sienne, mais aussi celle des autres, de ses proches et de toutes ces personnes qui gravitent autour d'elle ou qu'elle devine à l'extérieur, toutes formées sur le même modèle, toutes allant dans la même direction et suivant le même objectif, le même destin. Ce destin qu'elle refuse justement et qu'elle accepte pourtant, sous la contrainte, à présent. Ce destin qu'elle s'efforce d'accomplir (et qu'elle réussit) tout en gardant en elle cet esprit de révolte et ce besoin de liberté qui la submerge.
Je ne vous cache pas que j'ai eu du mal avec ce roman qui s'apparente à la biographie, mais aussi au récit autobiographique sous les mots d'un journal intime, revêt parfois les aspects d'une pièce de théâtre pour nous offrir des échanges verbaux assez surprenants, voire loufoques, qui dénoncent une situation plutôt effrayante sur la condition de la femme qui reste, dans cette société bien pensante, forcément au-dessous de la toute puissance masculine, du mari et père. Et cela, même en étant soi-même mariée, mère et responsable de toute une maison.
J'ai apprécié ce roman, avec lequel il faut prendre du recul, bien le resituer dans ces années d'Italie mussolinienne, pour cette perception qu'il nous apporte justement sur cette époque, sur le regard "de l'intérieur" qu'il nous fait poser sur le rôle et la place de la femme dans cette société et sur ce pan de l'Histoire italienne qu'il nous fait découvrir.
Même s'il n'est pas vraiment un coup de coeur pour moi, il m'a suffisamment plu et interpellée pour me donner envie d'en parler ici et vous inviter, vous aussi, à le découvrir. Ne serait-ce que pour cette écriture si singulière et cette connaissance qui nous reste en le refermant.