Fragments

Publié le par Martine

Fragments

Parce qu'on est lundi et que le lundi est le jour où je partage des Bonnes nouvelles et pour "coller" au thème du jour de notre Mois italien sur les régions du Nord de l'Italie, aujourd'hui c'est d'une très belle nouvelle de Laurence Marconi que je souhaite vous parler.

"Fragments" fait partie des quinze nouvelles qui composent le recueil "L'Ombre de la colline" paru chez Zonaires Editions. Quinze nouvelles, autant d'histoires singulières et attachantes qui ont toutes en commun de nous parler d'âge avancé, de cette période de la vie où l'on n'en est plus à faire des projets et où, au contraire, on est davantage tenté de regarder en arrière, le chemin parcouru, ce qu'on a fait de beau au cours de notre vie et aussi ce qu'on a fait ou vécu de moins bien. Ce regard que l'on porte, du moins est-ce ainsi que j'aime l'imaginer et est-ce aussi ainsi que Laurence Marconi nous invite à le penser, ce regard est bien souvent teinté de nostalgie, de regrets aussi, de satisfactions parfois également mais si peu...

Ce regard dans ces "Fragments", Giuseppe l'a aussi, lui qui participe pour la première fois de sa vie en tant que vendeur à la grande Fiera Antiquaria, installée sous les arcades "les logge" de la Piazza Grande dans sa ville toscane de Vasari. 

Depuis de longues années, Giuseppe vit seul. A présent, vu son âge avancé, son neveu Tommaso et sa famille l'hébergent, lui offrent un toit pour qu'il ne finisse pas sa vie, seul. Mais, seul, Giuseppe l'est depuis la mort par accident de son fils unique Matteo et celle de son épouse tendrement chérie, Fiorina, qui n'a pas réussi à surmonter cette perte cruelle. Et depuis toutes ces années, le vieil homme vit dans le souvenir de ces jours heureux, dans la douleur de la disparition de ces deux êtres qu'il aimait plus que tout, dans les regrets de ce qui aurait pu être et n'a pas été.

Alors aujourd'hui, il a décidé de mettre un terme à toute cette nostalgie. Et il est là, à la Fiera Antiquaria, devant son étal sur lequel il a disposé tous les objets familiers, personnels et familiaux dont il n'a jamais pu se séparer jusqu'à présent à cause justement de la haute valeur sentimentale qu'ils représentent pour lui. Et petit à petit, il vend, Giuseppe. Il vend le cheval à bascule, les livres d'enfant de Matteo, la machine à coudre sur laquelle Fiorina était penchée si souvent, et même la collection de petits cyclistes que son père lui avait rapporté à lui, Giuseppe enfant, au retour d'une vaine tentative d'aller chercher une vie meilleure dans le Nouveau Monde.

Toutes ces ventes surprennent le vieil homme et font remonter en lui des anecdotes, des souvenirs qu'il croyait bien avoir oublié. Mais il n'est plus temps pour la nostalgie. Aujourd'hui, pour Giuseppe, c'est l'heure des au revoir... 

J'ai retenu cette nouvelle pour les raisons évoquées plus haut mais aussi et surtout pour tout ce qu'elle dégage, nous invite à partager, à ressentir. Ces émotions posées sur le papier, en quelques mots, toute cette délicatesse, cette pudeur, ce qui est dit et ce qu'on devine derrière un silence, une retenue. Laurence Marconi possède cette sensibilité rare d'exprimer en peu de phrases les grands bouleversements, tout ce qui fait la force de vivre et sa dignité. Une vie ramenée à l'échelle d'un jour. Un condensé d'émotions pour une existence entière et pleine de grands et beaux moments, de chagrins et de larmes cachées.

La fin de l'histoire, la chute comme on dit en parlant de nouvelles, est peut-être attendue, inévitable. Moi, je ne l'ai pas vu venir, ou n'ai peut-être pas voulu la voir venir. Pourtant elle tombe, implacable. Comme une évidence, une suite logique à cette belle journée passée en compagnie de Giuseppe à la Fiera Antiquaria.

Je vous invite vivement à lire cette nouvelle mais aussi l'ensemble de ce recueil, tout simplement magnifique.

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