La petite écuyère
Chaque année, après le temps des moissons, c'est l'effervescence au village. La venue du photographe et de son poney est très attendue par les familles à qui l'homme a assuré qu'une photo de leur enfant assis sur son poney blond chasserait le mauvais sort pour toute l'année. Tout comme les autres villageois, la mère de Justine croit dur comme fer à cette sentence et elle n'a qu'une idée, faire photographier sa fille assise sur le dos du poney.
Or Justine a une peur farouche des animaux, des gens, de tout! Et si, les deux années précédentes, elle a pu se cacher et éviter cette séance photographique, cette fois-ci, elle n'y échappe pas. Sa mère lui fait deux tresses bien serrées et est la première sur la place pour inscrire sa fille.
Voici donc Justine juchée sur le dos du poney, littéralement terrorisée, s'accrochant de toutes ses forces à la selle, fermant très fort les yeux et incapable du moindre sourire. Si bien qu'elle ne voit pas le regard doux que lui offre l'animal. Seuls les cris d'impatience du photographe, de sa mère, des villageois et les moqueries des enfants autour l'atteignent. Et ce qu'elle craignait le plus arrive. Le poney s'emballe et fuit la place du village, emportant la fillette sur son dos.
Pourtant rien de mal ne lui arrive. Au contraire, c'est une rencontre douce et quasiment magique qui survient entre Justine et le poney. Une rencontre de paix, d'attention, de confidences et de projets communs. Quand ils reviennent au village, dans le silence qui les entoure, Justine l'annonce haut et fort, elle qui ne craint plus rien, ni personne : elle sera écuyère!
Ce bel album paru chez Grasset-Jeunesse sous les signatures de Charlotte Gingras pour le texte et Gérard DuBois pour les illustrations se lit un peu comme un conte. Pas vraiment situé dans le temps, même si le propos du début nous le laisse supposer, il aborde des thèmes assez difficiles tels que la peur, la crainte, les violences verbales et corporelles faites aux enfants et aux animaux, la méchanceté gratuite des plus forts, des plus grands face aux faibles. Et il le fait tout en douceur, insinuant plutôt qu'affirmant, suscitant l'imagination et les questions que les enfants ne pourront pas s'empêcher de poser en écoutant cette lecture ou en lisant eux-mêmes ce magnifique album.
J'y ai beaucoup apprécié l'écriture douce et sensible de Charlotte Gingras qui, tout en racontant cette histoire singulière, fait passer une multitude d'émotions. Quant aux illustrations de Gérard DuBois, elles sont tout simplement superbes, empreintes de naïveté et riches d'une assurance et d'une force tranquille.
Pour les enfants à partir de 5 ans.