Ce qui nous sépare
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Déjà mon cinquième Premier roman lu pour les 68 Premières fois de Charlotte, Nicole et Eglantine. Et toujours un grand plaisir de lecture. Du bonheur offert par cette merveilleuse aventure littéraire.
Installez-vous en banlieue parisienne. Prenez un RER un soir banal d'hiver. Il fait froid. Il fait sombre. Il fait seul. Alors que les portes de ce wagon vont se refermer, Marie s'y précipite, s'y jette presque, comme on jetterait une bouteille à la mer. Seule au départ, elle est rejointe dès l'arrêt suivant par Alain, puis par Cigarette (Christelle), Chérif, Laura, Liad et encore Franck. Ils sont sept, enfermés dans ce wagon, enfermés dans leur solitude, enfermés dans leur silence. Ils ne se regardent pas, les yeux tournés vers cet extérieur qui devient de plus en plus sombre au fur et à mesure de ce voyage qui les remonte au nord-ouest de Paris, au rythme de ce nouveau soir qui tombe, de cette nouvelle nuit qui s'annonce. Chacun plongé dans ses pensées, chacun face à lui, partageant le temps de ce long parcours une intimité forcée, indifférents les uns aux autres.
Lugubre, me direz-vous. Et le titre de ce premier roman d'Anne Collongues, paru chez Actes Sud, porte bien son nom "Ce qui nous sépare", ajouterez-vous peut-être?
Et bien... non, voyez-vous!
Car si Marie fuit un foyer devenu trop lourd à porter sur ses jeunes épaules; si Alain s'apprête à retrouver sa fille Aurore qui va venir vivre chez lui pendant quelque temps depuis le drame qui a brisé sa famille; si Cigarette retourne chez ses parents après un énième rendez-vous annulé au dernier moment dans la capitale; si Chérif au contraire n'ose plus rentrer chez lui, retrouver sa banlieue, parce qu'il a "trahi" et de la pire des façons; si Laura se rend dans ce lointain hôpital de banlieue rendre visite à son petit ami plongé dans le coma; si Liad, jeune Israélien fraîchement débarqué en France, rejoint la famille qui va l'accueillir le temps qu'il s'installe; si Franck retourne dans le pavillon familial après en avoir claqué la porte la veille; tous ont en commun cette part d'humanité qui les rend finalement si humains, si fragiles, si désespérément émouvants, avec leurs qualités, avec leurs défauts, avec leurs émotions, avec leurs espoirs, avec leurs sensibilités, avec leurs envies, avec leurs rêves, ceux qu'ils ont ... encore, aussi.
Tout ce qui fait qu'on s'attache à eux, qu'ils nous marquent, qu'ils nous émeuvent. Qu'importe si ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont vécu n'est pas forcément joli joli. Qui d'ailleurs peut se targuer d'être irréprochable, d'être exemplaire? Certainement pas moi. Et c'est ce que nous montre Anne Collongues à travers cette écriture singulière qu'elle nous livre à l'état brut, sans fioritures, C'est la vie. C'est comme ça. Les hommes et les femmes, nous sommes comme ça. Et même si habituellement je n'aime pas cette sorte de fatalité qui s'impose parfois et qu'on se résout à accepter parce que... que faire d'autre sinon? eh bien! ici je l'accepte. Mieux! Je l'apprécie. Et beaucoup. Car Anne Collongues nous insuffle également cette part, infime certes, que le jour suivant, ce demain qui va fatalement arriver, est aussi une porte ouverte sur quelque chose de nouveau, qui peut s'avérer bien ... ou mal. Et qu'ainsi ce qui nous sépare, c'est ce qui nous unit tous dans ce monde, cette vie qui nous relie.
J'inscris aussi cette lecture dans le Défi Premier roman de Daniel.