Solitudes
C’est parce qu’elle aime les capucines et qu’elle prend plaisir à entretenir celles qu’elle expose sur son balcon que le destin de Pénèle va un jour basculer.
Partagée entre une vie de solitude des plus morne et répétitive et l’affection quasi maternelle qu’elle porte à ses fleurs, l’attention de cette femme sans âge est un jour attirée par l’attitude d’un homme qui réside dans un immeuble en face du sien. Avachi dans son fauteuil, cet homme, Grégoire va-t-elle bientôt apprendre, est en train de se goinfrer tout en regardant la télévision. Jusque-là rien d’anormal. Cette attitude pour le moins passive, nombre d’entre nous l’avons eu au moins une fois dans notre vie. Mais Pénèle n’est pas comme nous. Elle est seule. Elle s’ennuie. Et, jour après jour, soir après soir, elle se met à observer ce « tranquille » voisin. Sans en avoir l’air, elle commence à s’informer sur lui, son identité. Puis, peu à peu, mine de rien, elle lui invente une histoire. Sa réalité est trop banale ? Qu’importe ! Pénèle l’enjolive à sa façon., traquant le moindre détail, saisissant toutes les occasions qui vont lui permettre peu ou prou de changer le destin de cet homme qui semble enlisé dans un quotidien des plus mornes seulement retenu par ce qu’il regarde à la télévision. Ce qui finit par devenir un véritable « espionnage » va alors s’emballer le jour où Pénèle va penser détenir un tel ascendant sur la vie de Grégoire qu’elle peut, sans risque, se dévoiler enfin.
Avec ce nouveau roman « Solitudes » paru aux Presses de la Cité, Anne Bragance nous offre un récit passionnant où l’angoisse est distillée au compte goutte mais de façon certaine avec une maitrise des émotions remarquable. A partir d’une situation quasi anodine, quoi de plus inoffensif en effet que d’arroser ses plantes à la tombée du jour, Anne Bragance nous entraine dans une spirale étouffante qui ne pourra se briser que par un coup du sort. Celui-ci sera-t-il bon ou mauvais ? L’auteur de ces quelques lignes ne peut en témoigner ici. Tout ce qu’il est possible de révéler concerne la qualité d’écriture qui nous est offerte à travers cette histoire à la fois ordinaire et extra ordinaire. Le suspense monte crescendo pratiquement à notre insu et nous emporte vers une finalité qu’on est vraiment loin d’imaginer. Les personnalités nous y sont présentées avec un tel tact et une telle évidence qu’il est vraiment très (trop ?) facile de se laisser « prendre au piège ».
A travers ces « Solitudes » (au pluriel), c’est un petit bijou d’émotions fortes que nous fait partager celle qui sera la marraine des Troisièmes Rencontres Littéraires organisées par l’association Arts Passions samedi 10 mars à la médiathèque La Passerelle de Bourg-lès-Valence à partir de 14 heures autour du thème « Portraits de femmes ». Une belle occasion de venir en parler avec l’auteur.