Les bateliers du Rhône
Ouvrir un roman de Françoise Bourdon, c’est avoir l’assurance d’un beau voyage. Et ses « bateliers du Rhône » parus aux Presses de la Cité dans la collection Terres de France confirme cette règle. Sur fond de paysages provençaux, de fleuve en colère et de vignes, trois générations d’une même famille vont traverser plusieurs décennies entre le 19ème et le 20ème siècles. Tout commence lorsque Athénaïs, épouse d’Hyppolite Sénéchal, donne naissance à Jérôme et garde pour elle le terrible secret lié à sa conception. Grandissant dans l’univers des bateliers du Rhône, le petit garçon n’a de cesse de vouloir succéder à son père même si, tout comme lui, il va le faire au péril de sa vie lors d’une énième crue du fleuve. Sa disparition brutale oblige sa jeune veuve Manon, son fils Antoine et sa mère à trouver refuge à Caderousse chez les grands-parents de Manon et aider à la bonne marche de l’auberge familiale tout en n’hésitant pas à cumuler les emplois subalternes pour survivre. Parallèlement à ce destin familial, l’auteur nous met en présence de Jean-Dominique, condamné au bagne à Toulon pour avoir volé un pain et à qui Manon, a offert de quoi se sustenter modestement lors de sa traversée du village, chaines aux pieds. C’est d’ailleurs le souvenir qu’il garde de cette brève rencontre avec la jeune femme qui va lui permettre de tenir le coup durant neuf longues années et de revenir à Caderousse comme unique point d’attache pour lui qui n’a plus rien. Hélas ! marqué à vie, et malgré l’amour qu’il porte à Manon qu’il a épousé, Jean-Dominique ne parvient pas à s’entendre avec son beau-fils Antoine. Tant et si bien que le jeune homme va finalement quitter la demeure familiale et s’installer à Châteauneuf du Pape où, rompant avec la tradition des bateliers, il devient vigneron.
Avec tout le talent qui est le sien, Françoise Bourdon nous offre une nouvelle saga romanesque avec son lot de drames, de bonheurs et bien sûr, son terrible secret. Mais l’écriture est telle qu’on se laisse emporter par ce récit qui nous fait traverser les années sans qu’on y prenne garde, qui nous émeut juste ce qu’il faut sans pour autant nous apitoyer et qui nous fait découvrir cet univers ô combien impitoyable et la force de ces hommes qui ont voué leur vie à notre Rhône. Richement documenté, avec un vocabulaire adapté, la vie des bateliers ainsi que celle des vignerons avec notamment les fléaux qui ont frappé les vignobles chateauneuvois à la fin du 19ème siècle nous est rapportée avec une fidélité touchante et exemplaire. Un roman fort aux typiques accents locaux comme sait nous les faire partager cette collection des Terres de France.