Le Rêveur des Halles
C’est une bien belle histoire que nous invite à découvrir Emmanuelle Friedmann pour le compte des éditions Calmann-Lévy et de leur collection « France de Toujours d’Aujourd’hui » avec celle d’Octave Magnin autrement susnommé « Le Rêveur des Halles ».
Octave est bien jeune encore en ce début du 20ème siècle lorsque sa mère décède et qu’il se retrouve seul au côté de son père restaurateur à Paris. Solitaire, rêveur devant l’Eternel, le jeune garçon parvient à poursuivre ses études jusqu’au fameux « certificat » mais doit cependant faire le dur apprentissage du métier auquel son père le destine en faisant de lui le digne successeur de sa « Poule au Pot ». C’est au marché des Halles qu’Octave fait son entrée dans la vie active. D’abord comme commis puis, peu à peu, comme « fils de ». Pourtant ce n’est pas la vie que le jeune homme envisage. D’obstination en refus d’obéissance à son père, de cachotteries en attentes de reconnaissance filiale, Octave grandit et s’imprègne d’un univers à cent mille lieues de sa propre personnalité mais proche de lui par bien des côtés cependant. Celui de l’amitié quasi fraternelle ressentie vis à vis des jeunes commis et de celui que son père considère, à tort, comme un lâche et un « mauvais bougre », et surtout celui de l’amour qu’Octave, devenu un bien beau jeune homme va ressentir pour la belle Leah, malgré les signes annonciateurs du premier conflit mondial.
Outre un récit oscillant entre le drame, l’humour et tout ce qui crée le sel d’une vie, Emmanuelle Friedmann nous ouvre la porte d’un monde pratiquement insoupçonnable. «Les Halles de Paris » autrement dénommées « le cœur » de notre capitale représente, en ce début de siècle dernier, un monde à part avec ses lois, ses fortes têtes, ses métiers tous autant différents mais toujours complémentaires et ses relations humaines dignes des meilleurs romans de Pagnol. Jamais caricaturales, ces personnalités se dévoilent avec une sensibilité qui leur est propre. On comprend aisément l’envie d’Octave de suivre sa propre voie, sans pour autant dédaigner le parti pris par son père et que celui-ci se sent en droit de lui imposer. L’auteur possède ainsi la faculté de nous présenter divers personnages hauts en couleurs avec leurs qualités et leurs défauts sans jamais nous imposer une quelconque indulgence ou mépris.
L’homme est ce qu’il est, ses conditions de vie aussi, et ces dernières l’obligent parfois à agir pas toujours comme il le voudrait mais plutôt comme il le faut. Forts de ce constat, qui ne pose aucun jugement de conscience, on dévore ce roman en bien agréable compagnie tout en prenant conscience des dures conditions de vie de ceux qui nous ont précédé. Une excellente lecture.