Chambres noires
Que ce soit en long ou en court, Karine Giebel excelle à nous plonger dans des ambiances noires, oppressantes et à nous montrer ce que l'humanité peut avoir de pire. Ce recueil de huit nouvelles "Chambres noires" confirme ce talent d'écriture glaçante et effrayante à souhaits où, parfois, un mince rayon de soleil parvient à se glisser.
Huit nouvelles compose ce recueil qui vient de paraître chez Belfond. Huit nouvelles mais en fait cinq seulement que je n'avais pas déjà lues, les trois dernières ayant été écrites et publiées dans les recueils collectifs "13 à table" en 2017 "L'escalier", 2018 "Les hommes du soir" et 2019 "Dans les bras des étoiles". Qu'importe, je les ai relues bien volontiers et à raison d'une nouvelle par jour (le temps de me remettre de mes émotions, et elles ont été fortes!) Karine Giebel, ou plutôt son écriture, m'a accompagnée toute cette semaine.
Par leurs titres, les quatre premières nouvelles évoquent des vieux films. Dans "Le vieux fusil", on fait la connaissance d'un homme qui paye le prix fort pour avoir causé la mort d'une femme accidentellement. "L'armée des ombres" nous met en présence de Mathilde, jeune femme qui cumule les petits boulots mal payés pour permettre à sa fille de vivre à peu près décemment tout en étant, elle, contrainte de dormir dans sa voiture. Aussi remarquable que le film de Melville avec Lino Ventura, Simone Signoret, Jean-Pierre Cassel... cette nouvelle est sans aucun doute, pour moi, celle qui contient le plus d'optimisme malgré son contexte de profonde misère sociale et humaine.
"Un monde parfait" joue avec nos nerfs, oscillant entre rêve cauchemardesque et une réalité terrifiante qui nous laisse complètement KO. Nouvelle parfaitement maîtrisée également. Et si "Au revoir les enfants" nous semble un peu trop proche de notre réalité actuelle tout en nous en rappelant une autre pas si éloignée que ça, ce pourrait presque n'être rien comparé à "Sentence", la plus sombre et la plus effrayante par son réalisme et son aspect abject à mon avis.
Bref, en un mot comme en cent, ce recueil est particulièrement réussi, maîtrisant à merveille toutes les difficultés de ce genre littéraire et confirmant, s'il en était encore besoin, l'époustouflant talent d'écrivain de Karine Giebel.