Ni poète ni animal
Première lecture faite pour le Prix littéraire La Passerelle organisé par le réseau de lecture publique de Valence Romans agglo et ça démarre très fort pour moi avec "Ni poète ni animal" de Irina Teodorescu paru chez Flammarion.
Alors qu'elle est coincée dans un rond-point parisien bloqué par des manifestants, Carmen, avocate âgée d'une quarantaine d'années, apprend la mort d'un grand poète roumain. Vérification faite auprès d'autres sources en ligne, Carmen se sent alors submergée d'une émotion forte qui la ramène quelques décennies plus tôt, en 1989, dans son pays natal lui-même en pleine révolution.
C'est cette année-là en effet en décembre qu'elle voit pour la première fois à la télévision ce Grand Poète comme elle l'appelle avec ses lettres majuscules, celui-qui fut un héros de la révolution, penseur de la première Constitution libre et ex-Premier ministre. Elle n'a que 10 ans en cette fin d'année 1989, c'est loin et pourtant c'est comme si, 30 ans plus tard, elle les avait toujours ou à nouveau.
Par chapitres alternés entre présent et passé, on découvre alors ce que fut sa vie, son enfance sous une dictature jusqu'à cette fameuse année où le bloc soviétique a sombré suite à la chute du Mur de Berlin. Puis son adolescence un peu exaltée, elle qui aimait écrire, en particulier des poèmes, et qui est comme éblouie au fur et à mesure que la présence du Grand Poète prend de l'importance dans sa vie et qu'elle se considère alors, à tort ou à raison, comme son amie.
Par la voix de Carmen, c'est de toute cette vie hyper contrôlée dont on s'imprègne. Les enregistrements de sa mère sur K7 audio qu'elle "écrit" à son amie passée de l'autre côté à l'Ouest, moyen de communication beaucoup plus sûr qu'un courrier traditionnel. La surveillance imposée à sa grand-mère qu'on fait passer pour folle. Les savons que son père échange contre du pain... Autant de situations qui nous paraissent aujourd'hui ahurissantes et que la petite fille d'alors considérait comme banales.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman (mais en est-ce réellement un tant les ressemblances entre le récit de Carmen et la vie de l'auteur, Irina Teodorescu, sont frappantes?) J'ai envie de le considérer comme tel parce qu'il est très bien écrit, très agréable à lire et prenant du début à la fin. Mais la question demeure. Même si on a très envie de ne pas y croire. Même si tout cela nous semble un peu trop invraisemblable. Tout ce que Carmen raconte notamment sur Elena Ceausescu sans jamais la nommer. Se dire que ce fut une réalité et que c'est encore le quotidien dans certains pays.
Une belle découverte pour moi et une bonne entrée dans ce Prix littéraire.