Rhapsodie des oubliés
Nouvelle lecture pour les 68 premières fois et avis un peu mitigé pour cette Rhapsodie des oubliés que nous fait partager Sofia Aouine aux éditions de la Martinière. Non pas que l'histoire ne soit pas prenante, loin de là, mais c'est le style qui m'a un peu dérangée, trop cru, trop direct, qui m'a gênée, mise mal à l'aise et c'est un peu dommage. Pourtant je pense être habituée avec cinq enfants à la maison qui ne rendent pas vraiment hommage à notre belle langue quand ils s'expriment. Moi-même il m'arrive (trop souvent à mon goût) de parler mal. Mais pas comme ça, pas à ce point.
Ceci dit, j'ai quand même beaucoup apprécié d'aller à la rencontre de ce jeune garçon, Abad, tout juste 13 ans, arrivé du Liban avec sa famille qui s'installe rue Léon dans ce quartier de la Goutte d'Or à Barbès dans le XVIIIe. Un quartier qui "sent les poubelles". Où tout le monde essaie de vivre, ou plutôt survivre, ou au moins de s'en sortir et peu importe comment, par quel moyen et les conséquences.
Ce roman, c'est l'histoire de cette rue Léon, de ses habitants, à travers le regard de ce jeune garçon, plus tout à fait un enfant, pas encore suffisamment grand, à cet âge ingrat de l'entrée en adolescence, avec ce que cela laisse supposer en termes de changements, corporels, physiques et aussi émotionnels. 13 ans, c'est l'âge des premiers émois qu'on cache derrière une attitude bravache pour rester dans le groupe, ne pas se montrer "différent" des autres, les copains qui font tous pareil.
Ce roman, c'est une belle galerie de portraits, quasiment un par chapitre. Alors c'est forcément très coloré, très typé. Il y a de la gaieté mais aussi une réalité qui fait mal, qui bouscule et nous frappe en pleine face. Ce roman, c'est l'histoire d'une misère humaine qui tout à coup se montre. On sait bien que "ça" existe, qu'il y a des gens qui vivent ainsi, dans ces conditions mais tant qu'on ne le voit pas, on peut en faire abstraction.
Sauf que là, Sofia Aouine nous y confronte. Sans fard, sans filtre. On ne peut plus faire comme si... Et en cela ce roman mérite sa place dans cette sélection, d'être lu et qu'on en parle. Sofia Aouine a un style, une écriture qui, moi, m'ont heurtée, et en même temps une sensibilité qui permet d'aller au-delà, de s'attacher aux personnages, et de regarder ce monde avec humilité et considération. Et en cela, c'est gagné.