Canon
Dans le cirque Karnas, il y a le prestidigitateur, les trapézistes, les clowns... Il y a surtout Rosa, la très (trop) belle "femme canon", menue au point de se faufiler dans la gueule d'un canon et d'être projetée en l'air chaque soir au risque de sa vie. Un numéro unique qui fait frémir les spectateurs éblouis mais ne suffit plus quand le cirque commence à manquer d'attractions et devient de plus en plus pauvre, de plus en plus misérable.
Par chance (ou par vengeance), le directeur Monsieur Zompani décide d'exposer les deux enfants que Rosa a eu avec le clown Zéphyr Bob, quelques années plus tôt, avant qu'il ne parte dans les bras d'une autre et refuse d'assurer sa double paternité. Car les enfants de Rosa la bombe, la femme canon, sont des jumeaux, garçon fille, siamois, liés l'un à l'autre par le dos. Une attraction qui fait très vite sensation. Au désespoir de la narratrice, la fillette devenue jeune femme, amoureuse de Joe l'accordéoniste qui apprécie sa belle voix. La narratrice qui n'en peut plus d'avoir jour et nuit son frère sur le dos, ce frère dont aucune opération n'a pu la séparer, leurs organes étant répartis équitablement dans leurs deux corps, ce frère joueur de tambour qui s'affaiblit de plus en plus...
Quand j'ai commencé à lire cette nouvelle que Max Obione a publié chez Ska éditeur numérique, collection Noire Soeur, je ne voyais pas trop où l'écrivain voulait nous emmener. Et puis peu à peu les faits se sont précisés et l'effroi, l'horreur, la compassion ont pris la place, se sont relayés l'un, l'une après l'autre. Une succession d'émotions et de sentiments poussés à l'extrême dans ce que la vie peut avoir de plus terrible, de plus vil, de plus abject et, en même temps, dans son opposé, tout ce qu'elle peut nous offrir de plus beau, de plus noble, de plus pur à partager.
Cette nouvelle, c'est l'histoire de l'homme, des deux facettes de sa personnalité, du yin et du yang pourrait-on dire. De ce qui nous compose, ces sentiments et comportements qui surgissent parfois aux moments les plus inattendus, qu'on regrette souvent et ceux dont on est fier, qui nous font nous sentir bien, en paix avec nous-mêmes.
Cette histoire, c'est celle de l'être humain et c'est sans doute pour cette raison qu'elle nous touche si profondément.