Ceux que je suis
Je ne vais pas vous surprendre en vous disant encore une fois que j'ai beaucoup aimé ce premier roman qu'Olivier Dorchamps vient de publier chez Finitude et que je viens de lire dans le cadre de la sélection automne-hiver des 68 premières fois. Comment faire autrement d'ailleurs?
Au décès de leur père, aucun des trois fils de ce garagiste marocain, installé en France à Clichy depuis de nombreuses années, ne souhaite accompagner la dépouille paternelle en sa dernière demeure. Pourtant il faut bien qu'ils s'y résolvent, ne serait-ce que pour respecter sa volonté d'être inhumé dans sa terre natale. Ce voyage jusqu'à Casablanca, c'est Marwann, le fils aîné, qui va le faire et qui nous l'offre dans ce récit d'une grande sensibilité, humilité et non dénué d'humour et de dérision.
Je dois avouer que cette lecture m'a profondément remuée. Bien sûr en tout premier lieu elle m'a rappelé le souvenir de mon père, notre relation, teintée d'affection mais surtout faite de crainte et de respect et ma quête (trop peu assouvie) de trouver dans son regard et dans ses mots les encouragements que je m'évertuais à y rechercher. Ce roman m'a aussi évoqué la chanson de Daniel Guichard, la plus belle à mes yeux dans son répertoire "Mon vieux" (ceux de mon âge ou plus apprécieront la référence!). Et puis il y a tout le reste : ce besoin soudain de combler les vides, les non-dits, de reconstruire l'histoire, de la découvrir, de faire connaissance enfin avec ce père auprès de qui Marwann et ses frères ont vécu toutes ces années sans jamais chercher à le connaître vraiment, à s'intéresser à lui, à ce qu'il faisait lorsqu'il rentrait si tard de son garage (sa fierté), à comprendre les raisons qui l'ont poussé à quitter son pays, sa terre, sa propre famille. A se (et la) renier en quelque sorte...
Ce roman, c'est tout cela à la fois et tellement, tellement plus. C'est aussi la réflexion de cet homme, Marwann, professeur d'histoire géographie, sur son propre parcours. Lui est né en France, a grandi, fait ses études en France. Son pays, c'est la France. Même si son prénom le dit d'ailleurs. Et c'est cet ailleurs qu'il va découvrir aussi. Ce Maroc qu'il connait si peu, seulement à travers ses souvenirs de vacances "obligées". Ce Maroc dont il pensait ne plus entendre parler, une fois son père, le seul lien qui l'y attachait, parti. Seulement voilà...
Et enfin ce roman, c'est l'histoire dans l'Histoire que l'on découvre dans les mots de la grand-mère, cette femme qui enterre son fils et qui a besoin de raconter, comme pour ne pas rompre définitivement ce lien que son fils avait tenté de couper sans jamais y parvenir. Comme en atteste sa dernière volonté.
Oui, j'ai vraiment beaucoup aimé cette lecture qui nous parle de déracinement, d'émigration, de quête de ses origines et du besoin de savoir. Même si c'est douloureux. J'ai beaucoup apprécié l'humour très présent dans ce récit et qui le rend si humain. Et je ne peux bien sûr que vous encourager à lire ce beau roman.