A crier dans les ruines

Publié le par Martine

A crier dans les ruines

Quand un roman commence par un retour au pays natal qu'on a quitté ou dû quitter pour x ou y raisons, je me dis que cette lecture va me plaire. Encore plus quand il s'agit, comme ici, d'un premier roman sélectionné par les fées des 68 premières fois et que, jusqu'à présent, je n'ai eu qu'à me réjouir d'avoir rejoint cette belle aventure littéraire. Mais là j'avais quand même quelques appréhensions. Parce que tout d'abord son auteur, Alexandra Koszelyk est une blogueuse littéraire très appréciée et suivie dans notre blogosphère. Et parce qu'ensuite, à une exception près, je n'ai lu que des avis enthousiastes, voire dithyrambiques, sur ce roman et que, forcément, cela crée une pression. La crainte d'être la deuxième à ne pas l'apprécier était vraiment très forte.

Je vous rassure tout de suite. Il n'en a rien été. Bien au contraire! J'ai passé un très bon moment avec Léna, l'héroïne d'Alexandra Koszelyk, partageant ses émotions, ses craintes, ses espoirs, ses déceptions, ses appréhensions et sa culture, différente de la mienne mais ô combien impressionnante.

Quand l'histoire commence, Léna débarque à Kiev, capitale de l'Ukraine, d'où elle doit, elle veut rejoindre Pripiat, la ville où elle est née et a grandi avant de connaitre l'exil en France avec ses parents et sa famille après 1986. Si je précise que Pripiat est à seulement 3 km de la centrale nucléaire de Tchernobyl, vous voyez vers quoi l'auteur nous entraîne?...

En 1986, j'étais jeune maman, enceinte de mon deuxième enfant. Là encore, comme pour le premier roman de Yoan Smadja "J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi", lu aussi pour cette sélection des 68 premières fois, j'ai suivi de loin ce qui s'est passé à Tchernobyl cette année-là, l'explosion de la centrale nucléaire. J'en ai surtout retenu ce que les médias voulaient nous faire croire à nous, en France. Que le nuage radioactif n'avait pas atteint nos frontières, que nous n'avions pas à nous inquiéter... La suite, on la connait. Des fruits et légumes contaminés, consommés en toute confiance. Et une augmentation progressive du nombre de cancers. Et puis il y a ces reportages que j'ai regardés à la télévision, nous montrant une ville déserte, abandonnée et quasi sans végétation. Une ville fantôme et des habitants présentant des malformations physiques, des maladies qu'on ne pouvait pas nommer. Une souffrance intense pour les pertes humaines et pour ces survivants. Mais, en toute franchise, je n'avais jamais rien lu sur cette catastrophe. Ce qui n'est plus le cas.

A présent, et pour longtemps encore je pense, il y a et il y aura Léna. Et sa quête. Son besoin de comprendre, de savoir ce qu'il est advenu d'Yvan, son ami d'enfance et premier amour, celui qui l'a embrassé quelques jours à peine seulement avant le drame. Est-il mort comme tant d'autres? A-t-il pu fuir comme elle l'a fait avec sa famille, trouvant refuge en France et devant essayer de s'habituer à ce pays qui n'est pas le sien, qui ne le sera jamais malgré ses nombreux efforts pour y parvenir. Sauf si ce voyage, ce retour sur cette terre natale lui donne enfin l'occasion de tirer un trait sur cette partie de son existence. A condition de le vouloir bien sûr, de le pouvoir surtout. Parce que la vie, cette foutue vie a toujours (souvent) bien des surprises à nous offrir....

Voilà. Je n'en dirai pas plus sur cette lecture qui m'a, elle aussi, beaucoup émue, bouleversée. J'ai aimé le personnage de Léna. J'ai compati à la vie qu'elle s'est construite dans cette Normandie devenue sa terre d'adoption, se forgeant son caractère par ses lectures et grandissant au côté de sa seule amie, Armelle. J'ai ressenti son besoin quasi viscéral, sur lequel elle ne sait pas mettre un nom, de retourner sur sa terre natale 20 ans après le drame pour pouvoir avancer enfin. J'ai apprécié cette évidence qu'Alexandra Koszelyk nous rappelle en substance : savoir d'où l'on vient pour savoir qui on est, pour aller de l'avant et pouvoir passer le relais ensuite, être ce bâton de transmission qui fait bien trop souvent cruellement défaut.

A crier dans les ruines, un roman au titre évocateur et terriblement attachant paru aux éditions Aux forges de Vulcain.

A crier dans les ruines
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E
Je pense qu'il y a plus d'une exception (moi par exemple ;-) je me sens un peu comme un mouton noir mais tant mieux pour Alexandra si son roman plait, c'est le principal ;-)
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M
Quand j'ai écrit ce billet, je n'avais lu que l'avis contraire de Liliba. Je vais aller lire le tien. Merci Anne
Z
Donc un livre diversement apprécié. Liliba, elle, est passée à côté et, vu l'état de ma PAL, je passe mon tour
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M
Oui j'ai vu ça sur FB et c'est bien d'elle dont je parle "à une exception près". Bonne journée, Zazy!