Les dindes ne remercient pas
Suite de la Semaine italienne et de ce week-end hommage à mon cher Maestro Andrea Camilleri qui nous a quitté le 17 juillet dernier.
Pour cette mise à l'honneur, j'ai choisi ce recueil paru l'an dernier, en 2018, chez Salani Editore "I tacchini non ringraziano" (les dindes ne remercient pas). Cet éditeur est spécialisé dans la publication d'ouvrages pour la jeunesse (romans principalement) d'auteurs connus et traduits de par le monde pour de grands succès littéraires tout public. Ceci explique sans doute cela et le fait que les historiettes écrites ici par Camilleri s'adressent vraiment à tous, qu'on ait 10 ans, 15 ans ou beaucoup plus.
Dans ce recueil, agrémenté des illustrations naïves de Paolo Canevari, Andrea Camilleri nous conte des histoires d'animaux, ce qu'il appelle son "zoo personnel", que ce soit des souvenirs vécus en famille au contact de certains animaux, oiseaux, perroquet, chiens, chats... ou des réflexions que certaines situations lui évoquent.
Comme par exemple le fait que les Américains, chaque année, fin novembre commémorent à travers le "Thanksgiving Day" le débarquement des premiers colons à bord du Mayflower en servant à table une belle dinde garnie rôtie à souhait s'inspirant ainsi de cette recette héritée des Indiens. Pourquoi, se demande alors Camilleri avec cette malice qui lui est sienne, les dindes se laissent-elles faire? N'ont-elles donc aucune mémoire au contraire des corbeaux qui continuent encore aujourd'hui d'envahir les champs où ont combattu les Nordistes contre les Sudistes à Gettysburg il y a quelque 250 ans, laissant des milliers de corps sanguinolents sans sépulture et autant de chair à se repaître pour ces volatiles?
Il semble bien que non, constate l'écrivain sicilien, puisque, année après année, depuis plus de 400 ans les dindes constituent l'essentiel de ce repas de commémoration américaine. Oui, elles oublient d'une année sur l'autre que cette date de fin novembre signe leur arrêt de mort. Mais, au contraire des corbeaux, elles ne remercient pas, non plus. Et c'est tant mieux!
Ce recueil se lit à petites doses pour mieux en apprécier chaque histoire, en savourer chaque allusion, tout l'humour et l'ironie dont Camilleri les saupoudre avec tact et talent. Comme autant de doux bonbons à garder en bouche, de paroles riches de sens et d'une logique implacable à conserver en tête et de tendresse à poser sur son coeur. Des histoires doudous à lire et relire à volonté, à voix haute pour les partager ou à se murmurer juste pour soi.