Qui a inventé le Prince charmant?
L'avantage quand on lit un recueil collectif de nouvelles, c'est qu'on n'est pas obligé de le lire tout d'un coup et qu'on peut le prendre et en continuer la lecture au gré de ses envies ou de son humeur du moment.
C'est ce que je fais cette fois encore avec le recueil "Mariti" que je vous ai présenté ici et dont je viens de lire les deux bonnes nouvelles suivantes : "Chi ha inventato il Principe azzurro?" (Qui a inventé le Prince charmant?) de Danila Bonito et "Volevo essere un'ape regina" (Je voulais être la reine des abeilles) de Daniela Brancati.
Outre le fait de savoir qu'en Italie, notre Prince charmant devient bleu (azzurro!), la première de ces deux excellentes nouvelles nous met en présence d'Arianna, bientôt 50 ans, divorcée depuis peu, au cours d'une soirée entre filles, ou plutôt entre femmes, six amies, toutes dans des situations maritales diverses, mariées mais malheureuses, trompées ou trompant, divorcées avec bonheur ou laissées pour compte, ou toujours seules par choix délibéré.
Ces six amies d'enfance au bord de la cinquantaine partagent une bonne soirée de détente, buvant peut-être un peu trop, ce qui permet aux langues de se délier et à Arianna de se demander tout à coup "qui a bien pu inventer cette histoire de Prince charmant?" En effet qui a bien pu mettre un jour dans la tête des femmes que leur bonheur ne pouvait exister qu'à travers la présence d'un homme, avec qui elles devraient fonder une famille et avoir beaucoup d'enfants? Qui a bien pu lancer une telle ineptie? Et, surtout, pourquoi les femmes l'ont-elles cru et continuent d'y croire encore?
Face à cette interrogation, toutes restent interdites et pensives et chacune, à travers sa propre expérience et histoire, tente d'y apporter son explication. Mais n'existe-t-il pas autant de réponses que de femmes? Cela se pourrait bien. En tous cas, c'est ce que démontre brillamment l'auteure Danila Bonito en particulier en y ajoutant le point de vue, différent forcément, de quatre des maris ou ex-maris de ces femmes. Et de fait la réponse qui satisfait Arianna est-elle universelle ou purement subjective?
Changement total de registre avec "Volevo essere un'ape regina" où Daniela Brancati nous entraîne à la suite d'une femme de 46 ans, ou peut-être plus mais elle a arrêté de compter après son 45e anniversaire, responsable du service exportation d'une grosse entreprise, habituée à diriger et à être écoutée, dont le mari est absent pour deux ans après avoir accepté une mission professionnelle dans un pays nordique.
Cette femme a donc tout le temps qu'elle veut pour rêver et se faire des films, se penser toujours jeune, au corps bien entretenu et désirée par tous les hommes qu'elle est amenée à rencontrer. En particulier son jeune voisin, beau comme un dieu, qu'elle s'arrange à croiser tous les jours dans le hall de leur immeuble afin de se retrouver seule avec lui dans l'ascenseur, imaginant mille scénarios tous plus sensuels et torrides les uns que les autres.
Or, malgré toute attente, il ne se passe rien. Le jeune homme semble trop timide pour tenter une quelconque approche auprès de celle qui se prend pour une femme inaccessible mais terriblement attirante comme peut l'être la reine des abeilles dans un essaim. Qu'à cela ne tienne, puisqu'il n'ose rien entreprendre, c'est elle qui va provoquer le fameux rendez-vous où ils pourront assouvir leur folle passion réciproque. Enfin ... si passion réciproque il y a, bien sûr!