La botte de Garibaldi
Je ne pouvais pas terminer ce week-end sicilien sans évoquer mon cher Andrea Camilleri à travers cette nouvelle adaptée d'une histoire vraie "Lo stivale di Garibaldi" (la botte de Garibaldi) publiée dans le recueil paru chez Sellerio "La capella di famiglia e altre storie di Vigata" (La chapelle de famille et autres histoires de Vigata).
La première mauvaise décision que prend Son Excellence Enrico Falconcini lorsqu'il est nommé préfet de Montelusa en Sicile en cette année 1862, c'est de s'y rendre par voie de mer. Lui qui n'est jamais monté de sa vie sur un bateau subit une tempête démentielle qui le rend malade au point d'avoir bien du mal à assister aux cérémonies d'accueil célébrées pour son installation. Ce qui n'est pas du tout du goût des notables et autres membres de l'aristocratie sicilienne.
On pourrait presque lui pardonner cette marque de mauvaise foi (ou foie!) sauf que le nouveau préfet, pour assurer sa prise de fonction, décide de passer outre les conseils et recommandations de ses plus proches collaborateurs et généraux et va même jusqu'à accepter de recevoir le lieutenant Rocco Ricci-Gramitto, bras droit de Garibaldi. En hésitant bien un peu quand même car cette demande d'audience, même si elle est faite selon les règles protocolaires, le met en porte à faux vis à vis du Roi à qui il a prêté allégeance.
Et il va très vite déchanter quand après avoir accepté la requête du lieutenant Ricci Gramitto d'organiser une procession en ville, il comprend que celle-ci n'a rien de religieux et qu'au contraire ce que souhaite faire parader le lieutenant n'est autre qu'une des bottes, empreinte du sang du Général Garibaldi, blessé en terre sicilienne.
Dès lors le préfet Falconcini ne maîtrise plus rien. Un refus à présent l'opposerait à l'unificateur du Royaume d'Italie et réveillerait les revendications populaires. Mais en laissant faire, il se met définitivement à dos toute la noblesse et la bureaucratie et sacrifie l'ordre établi depuis des siècles. Que faire donc? Ne dit-on pas parfois que le plus grand des courages se trouve dans la fuite?!!
Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette lecture m'a offert de grands éclats de rire. Par l'écriture de Camilleri d'abord, alternant entre dialecte sicilien et bel italien, où le célèbre Garibaldi devient sous la plume de l'écrivain, Calibardi. Et surtout par le cocasse des situations, à croire que tout était joué d'avance pour ce pauvre préfet, prenant mauvaise décision sur choix inapproprié, faisant montre en particulier de la bêtise que peuvent porter parfois certaines nominations purement bureaucratiques en plaçant ses représentants dans des régions dont ils ne connaissent absolument pas les coutumes et usages.
Un récit savoureux à déguster sans modération!