Le fait vient plus tard
Plaisir à retrouver le journaliste Saverio Lamanna sous la plume de Gaetano Savatteri dans cette nouvelle "Il fatto viene dopo" (Le fait vient plus tard) publiée dans la collection Courts et au sein du recueil collectif "La crisi in giallo" chez Sellerio
Toujours au chômage depuis qu'il s'est fait licencier pour "incompatibilité éditoriale" du grand journal qui l'employait, Saverio Lamanna habite toujours à Makari en Sicile dans la maison familiale où son père ne veut plus mettre les pieds depuis le décès de son épouse et mère de Saverio.
Là le journaliste vit une belle histoire d'amour avec Suleima, étudiante qui travaille comme serveuse dans une trattoria pour financer ses études. Seulement les jours passent, aucune embauche en vue et les économies du journaliste se réduisent à peau de chagrin. Son seul revenu provient des droits d'auteur qu'il perçoit pour un roman policier qu'il s'est amusé à écrire, autant dire trois fois rien.
Pourtant lorsque le réparateur d'électroménager, que lui fait connaitre son voisin et ami Peppe Piccionello suite à un gros dégât des eaux causé par sa machine à laver, lui explique que cette activité professionnelle n'est qu'un pis aller, que son vrai métier c'est tailleur de marbre, que son ancien employeur (chez qui il travaillait depuis plus de 30 ans) l'a licencié ainsi qu'une dizaine d'autres ouvriers tous pères de familles après leur avoir fait miroiter le versement de leurs derniers salaires sans jamais tenir promesse alors qu'il a engagé des chinois pour faire leur travail et qu'il demande à Saverio d'écrire ce récit, le journaliste hésite, convaincu que cette histoire aussi triste et révoltante soit-elle n'intéressera aucun éditeur et, même si, ne se vendra pas dans la période de crise actuelle.
Aussi lorsqu'une ancienne petite amie lui demande son aide dans le litige qui l'oppose à celle que Saverio avait quitté pour elle, il saisit l'occasion pour partir à Palerme et rendre également visite à son père.
Seulement s'il parvient à trouver la faille qui mettra fin aux envies d'en découdre juridiquement de ses deux ex-compagnes, le journaliste a sous-estimé le drame que vit l'ex-tailleur de marbre qui, après avoir séquestré son ancien patron, finit par se suicider par désespoir. Laissant Saverio, Peppe et Suleima sous le choc et leur faisant comprendre que certaines situations ne se révèlent pas quand on les découvre mais souvent bien plus tard, trop tard...
Dès les premières phrases, cette nouvelle m'a captivée. Par son ton plein d'humour d'abord lié à la chamaillerie de mise entre Saverio et Peppe depuis la sortie du roman du premier, dispute qui s'achève aussi vite qu'elle a commencé quand Saverio demande son aide à Peppe.
Par l'allusion que l'auteur se permet en citant la rediffusion télévisée d'une enquête de mon cher commissario Montalbano.
Et par son sujet grave, toujours très actuel, sur les drames humains que la crise que nous traversons toujours engendre. Des hommes, des femmes licenciés après plusieurs années passées dans la même entreprise, les difficultés d'une reconversion professionnelle, celles matérielles associées aux pertes de revenus, tout ce à quoi on se trouve alors confronté et qu'on doit gérer au mieux. Des situations de détresse morale qu'on essaie de cacher et qui se découvrent dans toute leur intensité quand il est trop tard.
Une très bonne nouvelle qui m'a particulièrement émue.