Là où les chiens aboient par la queue
Me revoici aujourd'hui avec cette avant-dernière lecture pour le Prix littéraire de la médiathèque La Passerelle après une pause pour cause d'attente que les deux derniers ouvrages à lire soient enfin disponibles au prêt. Ce qui a été le cas il y a deux semaines avec ce roman d'Estelle-Sarah Bulle "Là où les chiens aboient par la queue" et le dernier que je suis en train de terminer et dont je vous parlerai prochainement.
Mais procédons par ordre de lecture avec ce roman au titre surprenant paru aux éditions Liana Lévi. Ce roman, c'est d'abord une couverture verte, unie, avec seulement le visage de cette femme créole, tourné vers un ailleurs ou tout au moins vers quelque chose qu'elle seule essaie de voir ou voit. Le visage de la narratrice peut-être?...
Ce titre bizarre, c'est le nom du village de Morne-Galant en Guadeloupe, cette île française où vivait la famille de la narratrice avant de rejoindre la métropole où elle est née et a grandi en banlieue parisienne. De la Guadeloupe, cette jeune femme ne connait que le bon côté, celui dont on garde de beaux souvenirs de vacances. Mais pour elle, ce n'est pas assez. Alors qu'elle a du mal à assumer son métissage et cette origine mixte, elle ressent le besoin de connaître son histoire, cette identité insulaire qui lui vient de son père et ce qui a fait que sa famille a quitté cette île pour vivre en métropole.
Cette histoire, c'est celle d'un déracinement entrepris avec la meilleure raison du monde : fuir la pauvreté pour espérer vivre mieux. Sa beauté réside, à mes yeux, dans sa construction. Des petits chapitres courts qui mettent en avant chaque protagoniste que la jeune narratrice va interroger tour à tour. Son père "Petit frère" et ses deux tantes Antoine (dont le nom lui permet de chasser le "mauvais oeil") et Lucinde.
Par leurs voix, en premier lieu celle d'Antoine, jeune femme puis femme, maîtresse femme, femme forte, volontaire et décidée, à qui "on ne la fait pas" et celles un peu moins présentes dans le récit de Lucinde et Petit frère, on découvre l'enfance à Morne-Galant entre un père un peu filou et une mère trop tôt disparue alors que Petit frère n'a que 3 ans, L'adolescence à Pointe-à-Pitre, le commerce exercé dans les Caraïbes, l'urbanisation de l'île et enfin la décision de partir parce que quoi que l'on fasse, quoi que l'on veuille ou espère, l'avenir n'existe pas là-bas...
Ce roman, c'est celui d'une quête d'identité liée à l'histoire de nos départements d'Outre-mer (totalement inconnue pour moi). C'est une bien belle découverte, à la construction originale qui m'a beaucoup plu et servi par une écriture très agréable. C'est rythmé, instructif et émouvant.
C'est un livre vers lequel je ne serais certainement jamais allée spontanément (de par sa couverture d'abord qui ne m'attire absolument pas) et qui m'a troublée de façon insidieuse, de manière à laisser une empreinte et à rester en ma mémoire. Un livre qui pourrait me faire hésiter au moment du vote final pour le Prix La Passerelle.