Il metodo del coccodrillo
Quand j'ai eu l'opportunité de lire ce roman de Maurizio De Giovanni dans sa version originale italienne, je n'ai pas hésité un instant. D'autant plus que j'avais déjà grandement apprécié l'auteur avec les enquêtes du commissaire Ricciardi (lues en français), avec sa nouvelle héroïne, Sara, et aussi avec cet inspecteur Lojacono dans "La collectionneuse de boules de neige" et dans la série diffusée sur la télé italienne RAI 1.
Depuis 10 mois, l'inspecteur Giuseppe Lojacono a été muté à Naples suite à des accusations de connivences avec la Mafia sicilienne et est sans nouvelles de sa fille Marinella, adolescente d'une quinzaine d'années restée à Palerme avec son ex-femme. Ce silence lui pèse douloureusement en plus du fait d'être cantonné à enregistrer les plaintes entre deux parties de briscola, seul face à son ordinateur. Ses seuls "bons"moments, il les passe à la trattoria de Letizia où il va manger deux ou trois soirs par semaine.
C'est dans ce contexte qu'il est mis en présence d'un premier meurtre par balle au milieu du front sur un jeune garçon de 16 ans, fils unique élevé par sa mère infirmière célibataire, et dealer pour relever leur pauvre quotidien. Ecarté de suite de l'enquête, Lojacono fait mine de s'en désintéresser tout en pensant que le commissaire Di Giovanni fait fausse route en attribuant ce crime à la Camorra. Un point de vue que la substitut du procureur Laura Piras relève. Le deuxième meurtre suivant le même mode opératoire sur la personne d'une lycéenne de 16 ans semble vouloir lui donner raison. Et la Piras n'en doute plus lorsqu'un étudiant en médecine est lui aussi tué de la même façon.
Très vite, ces crimes sont attribués au "crocodile", surnom donné au tueur pour les mouchoirs en papier qu'il laisse traîner près des victimes laissant à penser qu'il verse des larmes de crocodile sur leur triste sort. Dès lors, laissant le commissaire s'entêter à suivre la piste de la Camorra, la Piras enjoigne Lojacono à développer la réflexion qu'il a émise "et si les vraies victimes du crocodile n'étaient pas ces jeunes gens mais leurs parents?" s'appuyant sur leurs caractéristiques communes d'être fils ou fille unique, élevées par un seul parent pour qui ils représentent toute leur vie. Et à en suivre la piste.
Mais quel peut bien être le point commun entre l'infirmière, mère du jeune dealer, la femme au foyer aisée et divorcée, mère de la lycéenne, et le médecin gynécologue réputé, père de l'étudiant? Unissant leurs points de vue et leurs forces, Lojacono et la Piras vont finir par le trouver mais le temps leur est compté car le crocodile pourrait bien viser une quatrième victime, ô combien innocente, pour briser la vie de son père comme lui-même a brisé la sienne 16 ans plus tôt.
Vous dire que j'ai dévoré cette enquête est un euphémisme! Je l'ai croquée à pleines dents, tournant les pages sans m'en rendre compte, appréciant les intuitions et le raisonnement de Lojacono (davantage encore que dans la série télévisée, c'est peu dire) et les atouts certains et confirmés qu'y ajoute la substitut Piras. Cette sombre histoire de vengeance est passionnante, admirablement bien ficelée. Sa construction, par courts chapitres faisant intervenir tour à tour les différents protagonistes, jouent à merveille avec nos nerfs de manière à nous tenir sans arrêt sous tension et à ne nous laisser aucun répit, à l'image de ce que vivent les enquêteurs. Et les derniers moments en deviennent intenables.
Cette enquête se déroule avant l'arrivée de Lojacono au commissariat de Pizzofalcone. Ce qui m'amène à l'y retrouver dans la suite que j'ai déjà lue en français mais que, cette fois-ci, je vais relire en VO. Pour mon plus grand bonheur de lectrice!
Bien sûr je compte cette lecture pour le challenge Polars et thrillers chez Sharon!