Il merlo parlante
Quoi de mieux que de se plonger dans les mots d'Andrea Camilleri pour bien débuter la semaine et ce nouveau mois? C'est ce que je me suis dit en profitant de l'offre promotionnelle de lancement proposée par l'éditeur Sellerio à l'occasion de la publication de cette très bonne nouvelle (mais peut-il en être autrement avec Camilleri?) en version numérique e.book la semaine dernière.
En 1960 à Vigata (ville sicilienne née de l'imagination fertile de l'écrivain), l'ingénieur Ninuzzo Lagana, orphelin de père, est pressé de trouver une épouse par sa mère atteinte d'une étrange maladie qui la voit s'étioler un peu plus chaque jour, les médecins restant impuissants à soigner cette langueur qui la conduit doucement vers la mort.
Or il se trouve que Ninuzzo n'est pas vraiment attiré par les femmes. Il a bien eu quelques aventures mais rien de sérieux qui aurait pu le conduire au mariage. Et à pratiquement 40 ans, il est toujours célibataire! Seulement il tient plus que tout à satisfaire aux dernières volontés de sa mère : le voir marié et même devenir père!
Pour cela, Ninuzzo part à la recherche d'une jeune femme bien portante (pour avoir des enfants, c'est mieux), pas trop belle (pour ne pas avoir à douter de sa fidélité, c'est mieux aussi) et acceptant de rester au foyer familial pour assister sa future belle-mère! Il est aidé en cela par la bonne Rosalia, entièrement dévouée à la famille depuis des années, qui lui présente l'accueillante Daniela. L'affaire est conclue mais quelle n'est pas la surprise de Ninuzzio de recevoir en cadeau de mariage à son bureau un merle dans sa cage sans nom d'expéditeur.
Dans un premier temps, Ninuzzo est tenté de s'en débarrasser quand il s'aperçoit avec stupeur que ce merle parle et lui révèle peu ou prou ce que font ses employés en son absence. Voici qui change la donne!
Malheureusement, chez lui, la santé de sa mère va en déclinant. Les mois passent et nulle grossesse à annoncer. Ninuzzo s'inquiète et se demande si le problème ne serait pas sien. Mais quasi simultanément le merle annonce à Ninuzzo qu'en son absence Daniela reçoit la visite d'un homme et le jour où il apprend sa future paternité, sa mère décède sans lui avoir laissé le temps de partager cette heureuse nouvelle.
Ninuzzo est rassuré sur sa fertilité sauf qu'il découvre que jusqu'alors Daniela restait dans sa chambre pratiquement toute la journée et n'en sortait que quelques minutes avant son retour à la maison laissant le soin à Rosalia de veiller sur sa belle-mère. Le doute sera-t-il plus fort que sa bonne fortune? Peut-être, si le médecin informé de la grossesse de Daniéla jette les résultats d'analyse prouvant la stérilité de Ninuzzo!
Encore une fois un texte savoureux qui s'écoute plus qu'il ne se lit tant l'écriture de Camilleri est merveilleuse. Il y a tout ce phrasé, tout ce dialecte, cette ambiance, ces caractères si bien brossés et cet humour bienveillant et à la fois caustique qui nous fait passer un délicieux moment de lecture!
Cette nouvelle est à retrouver dans le recueil "Grand cirque Taddéi et autres histoires de Vigata" paru en 2011 et traduit par Dominique Vittoz.