Madame rêve
Attention! Petit bijou de lecture à partager avec ce magnifique recueil de nouvelles signé Ludovic Joce pour les éditions Inédits. Je savais bien, pour avoir déjà eu la chance d'apprécier l'écriture de Ludovic Joce dans son premier roman "Point de gravité" (éditions du Jasmin) que c'était une valeur sûre, que je m'assurais d'office un très bon moment de lecture mais à ce point, vraiment pas.
Huit nouvelles composent ce recueil "Madame rêve" (titre de la deuxième par ordre de parution et également titre d'une chanson d'Alain Bashung que je ne connaissais pas et découverte pour l'occasion). Huit nouvelles et huit histoires différentes, mettant en scène des personnages très divers qui n'ont rien en commun si ce n'est une souffrance forte et profonde, un mal-être qui va bien au-delà du malaise et une misère humaine qui s'obstine à les absorber et à laquelle certains tentent d'échapper avec les petits moyens qui sont à leur disposition.
Je ne qualifierai pas ces nouvelles de noires au sens où on l'entend habituellement. Ou alors pas toutes. Par exemple si, dès ses premières lignes, "Maman est là", la première de ces nouvelles nous plonge dans un univers sombre et dramatique qui nous fait craindre le pire à la fois pour cette jeune mère et davantage encore pour son enfant nouveau-né, la chute est un tel message d'espoir, une telle promesse d'avenir que les défenses personnelles que l'on a dressées d'entrée de lecture tombent d'elles-mêmes et qu'on se laisse submerger par l'émotion de cette tendresse qui se manifeste alors.
La noirceur revient pourtant dans la deuxième nouvelle "Madame rêve", l'histoire de cet homme quasi quadragénaire à qui l'amour de sa vie échappe et qui ne fait rien que s'enfoncer dans l'alcool pour supporter cette perte en faisant semblant de ne pas la remarquer. On pense rester dans la tristesse et l'abattement avec la troisième "Sans douleur et sans bruit" quand un sourire et une boule d'émotion nous traversent subitement.
Avec la quatrième "19,90€", Ludovic Joce nous prouve son étonnante maîtrise du genre en nous confrontant à une situation quasi désespérée dont le jeune personnage se sort d'une manière pas très honorable certes et dont le raisonnement provoque en nous un éclat de rire inattendu!
Je pourrais encore vous parler longuement de la lettre que cette femme écrit à son fils, qu'une maladie handicape peu à peu, pour lui expliquer son absence, cet abandon soudain qu'elle lui a imposé. Certainement la nouvelle qui m'a le plus émue "Le train pour Paris". Je pourrais aussi vous dire ce sentiment de désolation et d'incompréhension qui m'a saisi en lisant "Grosse journée" où une jeune femme, mère de famille, croit assurer l'essentiel en se consacrant à sa carrière professionnelle et en le ratant, cet essentiel, complètement.
Je pourrais souligner cet heureux coup du sort qu'un accident, grave pour le coup, crée dans la vie de cette jeune femme en perdition, à la recherche d'elle-même "Chez Dédé" et terminer par cette longue et patiente attente à laquelle Rose est vouée jour après jour et surtout nuit après nuit "Passer la nuit".
Mais je ne ferai rien de tout ça pour ne pas vous priver de partager ce petit bijou, ces perles de lecture que nous offre Ludovic Joce par son écriture sensible et juste, sa capacité à nous décrire des situations extrêmes dans un quotidien tristement banal, cette façon unique de nous faire partager des émotions au moment le plus inopportun, passant du rire aux larmes, de la contemplation, l'acceptation au sursaut salvateur.
Et cela fait un bien fou. Car finalement, ce que Ludovic Joce nous offre ici c'est de l'espoir et on en a terriblement besoin.