Avec toutes mes sympathies
Première lecture faite pour cette rentrée littéraire 2018 et ... quelle lecture! Bouleversante, prenant aux tripes, humble, lumineuse et terriblement humaine.
Cette lecture qui, pour moi, s'apparente davantage à un témoignage, est le magnifique hommage d'une femme à son frère qui vient de se suicider.
Cette femme, c'est Olivia de Lamberterie, critique littéraire au magazine ELLE. Les livres, les romans, les essais, elle connait. Très bien. C'est l'essence, l'essentiel même de son travail. Souvent son frère, Alexandre, lui a demandé pourquoi elle n'écrivait pas, pourquoi elle se contentait de lire et de donner son avis, toujours avec pertinence, sur ces lectures.
Ce livre, Olivia de Lamberterie a ressenti non pas l'urgence mais l'évidence de l'écrire après le décès d'Alex, Alexandre, pour faire savoir au monde qui il était, pour qu'il reste encore présent dans les pensées et les conversations, pour qu'on ne l'oublie pas.
Avec pudeur et sensibilité, Olivia de Lamberterie revient sur cette nuit d'été 2015 quand sa belle-soeur, Florence, l'a appelée pour lui faire part de la disparition d'Alex, de sa vive inquiétude quant à ce qu'il aurait pu faire ayant déjà attenté à ses jours quelques années auparavant. Et son départ immédiat pour Québec laissant là sur leur lieu de vacances mari, enfants, amis. Parce que c'est une urgence. Une vraie.
Au fil des chapitres, l'auteur évoque alors son existence dans une famille bien comme il faut, au sein d'un couple de parents aimants, attentionnés et attentifs, la complicité fraternelle qui la lie très tôt à Alex de trois ans son cadet, une relation unique différente de celles qu'elle entretient avec sa soeur aînée et la benjamine née bien plus tard.
En toute sincérité, elle aborde le sujet de cette maladie que les médecins ne savent pas vraiment appréhender, cette mélancolie héréditaire, cette fatalité qui semble ne frapper que les hommes de la famille.
Puis on suit avec attention le parcours d'Alex après ce "ratage" jusqu'à cette date fatale du 14 octobre 2015 à partir du moment où l'auteur dira "Désormais je n'ai plus de frère". Ces quelques mois où elle a voulu y croire, espéré que ces pensées, que ce funeste projet, allaient quitter l'esprit d'Alex. Et comment par de délicates attentions, il a préparé ses proches à son dernier départ.
Et on ne peut alors que partager cette douleur extrême, conjuguée à cette volonté de ne pas culpabiliser par respect pour la décision de ce frère tendrement chéri, ce besoin essentiel de préserver la vie, de la célébrer pour garder Alex vivant le plus longtemps possible, pour lui conserver cette place qui est et restera toujours la sienne. Et apprécier cette expression canadienne qui, au lieu d'adresser ses sincères condoléances, exprime "toutes ses sympathies" à ceux qui doivent affronter la mort d'un proche.
Une belle expression qui caractérise bien l'empathie, l'affection, l'amitié que l'on partage alors de tout coeur avec la ou les personnes éprouvées.
J'aurais sans doute encore beaucoup à écrire sur ce récit paru chez Stock. Notamment vous dire à quel point j'ai été émue de lire le réconfort que l'auteur trouve dans la lecture, dans les mots des écrivains, moi qui le ressens si souvent. Je ne peux qu'ajouter que, bien que l'ayant lu, il y a déjà plusieurs semaines, la tonalité de ce récit, son rythme, son empreinte sont encore très présents en moi. J'espère qu'il en sera de même pour vous...
Je vous invite à lire aussi le bel avis de Joëlle.