La rettitudine fatta persona

Publié le par Martine

La rettitudine fatta persona

Je ne résiste pas au plaisir de partager à nouveau ce plus qu'excellent recueil de nouvelles d'Andrea Camilleri "La capella di famiglia e altre storie di Vigàta" paru chez Sellerio il y a deux ans.

Et cette fois-ci, c'est de la quatrième nouvelle (dans l'ordre du sommaire) dont j'ai choisi de vous parler : "La rettitudine fatta persona" (la justice, mais ici plutôt la droiture personnifiée).

Comme toutes les histoires que nous conte Camilleri dans ce recueil, celle-ci se déroule aussi au début du XXe siècle et commence en 1914. Cette année-là, Pitrino et Ciccina Sferra assistent avec bonheur au mariage du premier de leurs trois fils, Nino. Mais le premier conflit mondial éclate et à peine marié, le jeune homme doit partir combattre contre les Autrichiens laissant quelques mois plus tard sa jeune épouse, la belle Concittina, veuve et enceinte.

Deux ans plus tard, alors que la Première Guerre mondiale bat son plein, le même scénario se reproduit avec leur deuxième fils, Pino, et Ernestina. C'en est trop pour Pitrino qui, à son tour, meurt de chagrin. Ne restent alors que Ciccina, les deux jeunes veuves et leurs deux filles respectives, et Fofo, le troisième fils qui devient ainsi chef de famille.

Les années passent et, à son tour, Ciccina décède. Fofo habite désormais avec ses deux belles-soeurs et ses deux nièces. Ce qui n'est pas sans poser problème à la population. Et ce qui n'est pas du goût du curé de Vigàta, qui se fait fort d'être le garant de la bonne réputation et du dévouement de Don Fofo envers sa famille.

Quand successivement Concittina puis Ernestina tombent enceintes, les coupables sont vite trouvés. Mais mariés et pères de famille l'un et l'autre, Don Fofo, dans sa grande mansuétude, leur demande seulement une contrepartie financière pour l'éducation des deux enfants à naître. Deux filles encore!

Alors quand l'histoire se reproduit quelque temps plus tard, il s'agit de remarier les deux veuves pour sauver leur réputation! Double mariage que Don Fofo et le prêtre arrangent avec le soûlard de service et l'idiot du village. De ces nouvelles grossesses naissent encore deux filles. Puis deux autres à nouveau quelques années plus tard.

Et voici que Vigàta passe aussi sous la dictature fasciste de Mussolini. Alors quand, en 1940, le jeune et beau Pasqualino, fils d'un fasciste convaincu, s'éprend de la jeune et belle Caterina, une des filles de Concittina, Don Fofo ne peut qu'accepter sa demande en mariage et conforter ainsi sa situation de notable, riche propriétaire, catholique pratiquant aux idées fascisantes et sa réputation d'homme saint qui a sacrifié sa vie privée, son propre mariage et une famille à lui dans le seul intérêt des familles héritées de ses frères.

Seulement Pasqualino à son tour est appelé à rejoindre l'armée de Mussolini en Afrique laissant sa jeune épouse Caterina seule et ... enceinte! Comment cela est-il possible alors que le jeune couple n'est jamais resté seul et a eu juste le temps de prononcer ses voeux avant le départ de Pasqualino? Les langues se délient. Les interrogations fusent. Don Fofo ne peut compter que sur le nouveau prêtre pour mettre un terme à ces commérages et conserver sa belle réputation de saint homme! Or celui-ci le connait moins bien. Comment pourrait-il s'en porter garant? 

Finalement la mort de Fofo pourra-t-elle faire taire les mauvaises langues ou leur laisser la voie ouverte?...

Quand j'ai commencé cette lecture, je me suis demandé où Camilleri voulait en venir avec cette histoire de famille, de mariages, de veuvages, de naissances de filles uniquement. Et puis, au fur et à mesure que je tournais les pages, le doute s'est insinué. Non! Ce ne pouvait pas être ça? Et pourtant...

En gardant toujours ce sens de l'humour qui lui est coutumier, Camilleri nous montre l'homme, l'humain dans toute son authenticité, avec ses qualités et ses défauts, avec ses forces et ses faiblesses, avec sa perception du bien et du mal qui n'est forcément pas la même pour chacun. 

La fin que l'on subodore est à la fois tragique et attendue...

La rettitudine fatta persona
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