L'empreinte volée
Ce lundi, mon voyage parmi les "bonnes nouvelles" m'a baladée entre la capitale de l'Argentine, Buenos Aires, et la nôtre, Paris. Deux villes que l'auteur de ce recueil "L'empreinte volée", Françoise Cohen, connait particulièrement bien. Il n'est qu'à lire ces dix nouvelles pour s'en convaincre!
Du plaisir à suivre les protagonistes de ce recueil dans leurs déambulations, leurs interrogations et leurs parcours, c'est ce que nous offre Françoise Cohen bien volontiers et ce que j'ai ressenti avec bonheur. Joie de me mettre dans les pas de l'un(e) ou de l'autre et de reconnaître des rues, des quartiers parisiens que j'aime arpenter lors de mes trop brefs séjours dans la capitale. Curiosité à faire de même et découvrir la capitale argentine par les yeux de Françoise Cohen derrière certain(e)s autres.
Les descriptions sont parfaitement rendues. On est à même d'identifier les lieux comme si on y était. Les émotions, les sentiments sont perceptibles et se partagent aisément. Et l'image, la photographie, les souvenirs y sont très présents.
Toutes les nouvelles de ce recueil paru aux éditions Tituli m'ont plu. Pour ne pas avoir à en choisir une plutôt qu'une autre, je me contenterai de vous parler de celle qui a donné son titre à l'ouvrage "L'empreinte volée" qui se trouve être la dernière présentée.
Que feriez-vous si, lors d'une exposition de photographies, vous tombiez sur un agrandissement de vous pris lors d'un moment que vous avez eu toutes les peines du monde à non pas oublier ou effacer de votre vie, mais à essayer d'y moins penser, en tournant la page et en poursuivant votre parcours de vie différemment. Tout à coup vous revoilà plongé(e) 10 ans plus tôt sans y avoir été préparé(e). Le choc est rude. Comment est-ce possible? Comment et par qui cette photo a-t-elle été prise? Et, encore, de quel droit le photographe l'expose-t-il ainsi?
Cette situation, Marina la vit lorsque, dans le cadre de sa reconversion professionnelle dans la peinture sur bois, elle visite cette exposition photos et découvre le travail remarquable du photographe William R. dont on lui a dit le plus grand bien. Tout d'abord elle admire ces clichés pris dans les capitales et grandes villes européennes et du monde, des sites où l'on aperçoit des inconnus, hommes et femmes, comme une ombre, un peu en retrait de la prise de vue. Jusqu'à ce qu'elle tombe sur cette photo et s'y reconnaisse, dans la peine et le chagrin contenus le jour des funérailles de son amant, Romain, médecin réputé au service de qui elle travaillait alors comme secrétaire. Comment le photographe a-t-il pu faire cette photo ce jour-là, à son insu, dévoilant aux yeux de tous le chagrin que sa condition de maîtresse ne pouvait pas révéler, le laissant de droit à l'épouse légitime et aux enfants de Romain?
Ami du défunt, William R. n'a pu résister ce jour-là, tombant également amoureux de Marina à cet instant-même, conservant cette photo pendant des années pour lui seul avant d'oser l'exposer sur l'insistance de ses amis. A-t-il eu raison de les écouter? Maintenant qu'il se trouve face à Marina et à son incompréhension, elle qui a tout fait pour ne plus penser à cette partie de sa vie allant même jusqu'à changer d'orientation professionnelle, va-t-il pouvoir exprimer sa démarche et surtout ses sentiments à la jeune femme? Et l'écoutera-t-elle seulement?
En quelques mots bien choisis, bien sentis, Françoise Cohen nous conte ces instants délicats où les souvenirs affleurent face au choc éprouvé. C'est limpide. C'est net. Et c'est puissant.
Et toutes les nouvelles de ce très beau recueil sont ainsi.