Insoumises
Le voyage en "bonnes nouvelles" continue et ce lundi c'est au Brésil que je vous propose de faire escale pour rencontrer treize femmes "Insoumises" au côté de Conceiçao Evaristo dans ce recueil paru dans la collection Terra des éditions Anacaona.
Tout d'abord je tiens à apporter une précision, ces textes recueillis par Conceiçao Evaristo ne sont pas ce que j'appelle nouvelles habituellement. Il s'agit plutôt ici de textes courts, joliment appelés par l'auteur des "écrits-vie" et, en l'occurrence, des récits de vie de femmes tels que Conceiçao Evaristo les a écoutés et nous les offre de cette si belle manière, très littéraire.
Ces femmes, treize en tout, nous parlent de vie, de combats, de luttes, de drames, de liberté, d'amour, d'amitié, de bonheur également. Ces récits nous disent aussi l'innommable : l'agression, la violence, le viol, la mort, et la volonté de ne pas y céder, de se relever, de résister, de devenir "Insoumises". Surtout ils nous évoquent ce bel esprit de fraternité, cette "sororité noire" comme la nomme si justement Conceiçao Evaristo. Ce n'est pas pour rien d'ailleurs que ce recueil est paru en ce 8 mars, Journée Internationale des Droits des Femmes.
Chaque histoire, chacun de ces treize récits, se présente toujours sur le même modèle. L'auteur se rend chez celle dont on lui a parlé, qu'on lui a recommandée, ou qui a demandé à la rencontrer. Avec elle, on fait connaissance, on s'imprègne de ces premiers instants, on se met "dans l'ambiance" et puis commence le récit. Un récit de femme en souffrance. Dans son identité propre. Dans sa place d'être humain. Dans son existence d'enfant, de fille puis de femme. Dans son rôle de mère. Dans ses aspirations personnelles, ou professionnelles.
Toujours Conceiçao Evaristo sait trouver les mots justes, ceux qui nous confrontent à ces réalités sans en faire trop, sans tomber dans le mélo, simplement en énonçant les faits tels qu'ils sont ou ont été. Et c'est ce qui en fait toute la beauté. C'est ce ton qui touche et nous pousse à passer d'un récit au suivant. Quelque part, tous ces récits s'imposent. Comme si, à notre tour, dans notre position de lecteur, on devenait aussi cette oreille qui sait écouter sans chercher à répondre ou à consoler. D'ailleurs l'auteur ne le fait pas forcément et ne nous le demande pas. L'empathie, l'attention suffisent.
Ne me demandez pas si j'ai apprécié ce recueil. Pour moi, il est non seulement magistral, il est surtout essentiel. Pour être témoin et pour dire. La place que Conceiçao Evaristo donne ainsi à ses lecteurs devient primordiale pour transmettre, à notre tour.
Et c'est ce que je fais aujourd'hui. Et c'est ce que vous ferez aussi, j'en suis sûre, à peine aurez-vous lu ce magnifique recueil.
Bio express : A 70 ans, Conceiçao Evaristo est la plus importante voix de la littérature afro-brésilienne. Souvent comparée à Toni Morrison, elle parle de pauvreté, de violence urbaine, d'injustice, de misère, de femmes.