Terre promesse
Ma participation au thème de ce jeudi dans la semaine italienne relève véritablement de l'exploit. Non pas que le sujet proposé (par mes soins) : lire un roman paru en 2017, en VO pour une parution en Italie ou en français pour la publication cette année d'un roman italien, se soit révélé difficile. Mais bien parce que la lecture du roman choisi pour cette occasion a été particulièrement ardue pour moi!
J'ai en effet voulu lire le dernier roman de Milena Agus "Terre promesse" (Terres promises, au pluriel) paru au printemps dernier chez Narrativa Nottetempo et que j'ai acheté cet été à Turin, en sous-estimant grandement la (et les) subtilité(s) du dialecte sarde dont l'auteur parsème ses écrits. Il est vrai, pour ma défense, que c'est le premier roman de Milena Agus que je lis en VO, et que, même si tous ses romans précédents traduits en français, trahissent cette propension à glisser des mots en dialecte dans ses écrits, la traduction fait en sorte que nous comprenions bien leur sens. Or, là, pas d'aide, si ce n'est le contexte et les allusions que Milena Agus fait au fil du récit et, bien sûr, aucune traduction possible dans mon dictionnaire!
Comme dit le proverbe cependant "A l'impossible, nul n'est tenu" et surtout pas moi qui me suis défiée de lire ce roman et de vous en parler aujourd'hui.
Ce roman, c'est celui du rêve et du voyage. Dans ce petit village, jamais nommé, mais tout proche de Cagliari, en Sardaigne, vit Felicita, au prénom prédestiné. Felicita est née sur l'île mais n'y a pas toujours vécu. Pour ses parents, Ester et Raffaele, la vie, la vraie vie, c'est sur le continent, face à leur île, qu'elle se trouve. C'est sur le continent qu'ils sont partis vivre et travailler. Et même s'ils ont éprouvé quelquefois la nostalgie de leur île natale, et l'éprouvent encore, ils refusent de l'admettre et passent très vite à autre chose, parlant de ci et de ça, de ce séjour, court malgré tout, qu'ils feront bientôt en revenant sur l'île.
Pourtant ces instants fugaces, Felicita les a toujours ressentis et dès qu'elle l'a pu, elle est revenue sur l'île, chez elle, donnant corps ainsi à sa vie, à son essence, à l'amour qu'elle éprouve pour cet homme et pour le fils à qui elle a donné naissance : Gregorio. Pour Felicita, le bonheur est là. Pas la peine d'aller loin pour le trouver. Alors quand Gregorio émet le souhait de partir en Amérique, Felicita ne comprend pas. Ses arguments, elle les refuse. Et quand il se met en tête de l'emmener avec lui sur "sa" terre promise, Felicita se braque. Tout comme elle a refusé le continent rêvé de ses parents, elle nie cette Amérique, terre de bonheur et de réussite, que lui promet son fils, Gregorio.
Malgré la difficulté de cette écriture, j'ai vraiment apprécié cette lecture. J'ai eu grand plaisir à retrouver les thèmes chers à l'auteur, son amour indéfectible pour cette terre de Sardaigne, la petite dose de folie dont elle pourvoit ses personnages. Là, que ce soit ses parents, ou Felicita elle-même, on est servi! Il n'y a guère que Gregorio a avoir un tant soit peu les pieds sur terre même s'il est aussi un grand rêveur, avide de voyages, de contrées lointaines et d'aventures. Et entre rêves et réalité, il est parfois (souvent) bien difficile de savoir, de reconnaître ce qui est arrivé, ce qui se passe ou ce qui pourrait advenir.
Les "Terres promises" que Milena Agus nous invite à découvrir dans ce court roman, on les porte tous en nous, avec plus ou moins de conscience. A nous alors de savoir résister à ces chants des sirènes ou à les écouter en connaissance de cause. Ce qui est sûr, avec ce roman, c'est que le voyage que nous propose l'auteur est définitivement beau. Les paysages sardes, leurs descriptions, sont grandioses. Ce dialecte, si difficile à appréhender pour moi, ajoute encore au charme de l'histoire. Et même si je n'ai tout très bien compris, ces mots de "là-bas" m'ont fait sentir y être vraiment, m'offrant ainsi, à moi aussi, un magnifique voyage...