La Téméraire
Difficile de trouver les mots pour parler de ce premier roman de Marine Westphal, paru chez Stock. Difficile et en même temps terriblement nécessaire. Car, au contraire du dernier roman lu pour les 68 premières fois "Maestro", il n'est pas possible de le mettre entre les mains des lecteurs sans prendre certaines précautions. Impossible de dire tout simplement "Prenez-le. Lisez-le!" Même si c'est tout ce qu'il mérite tellement l'écriture est belle, lumineuse, et terriblement émouvante. Bouleversante.
Ce roman nous parle d'amour, d'un amour total, absolu, d'un amour inconditionnel. Cet amour qui va bien au-delà de tout ce qu'on pourrait imaginer, concevoir. Un amour qui accompagne l'être aimé jusqu'aux limites de la vie.
Cet amour, c'est celui qui unit Sali à Bartolomeo. Depuis trente ans. Une éternité pour certains aujourd'hui. Trois fois rien, pour celles et ceux qui, comme moi, en sont à presque 34 ans de mariage et 36 de connaissance. Mais à présent Bartolomeo n'est plus qu'une ombre, un corps allongé sur un lit, depuis "l'accident", cet AVC qui l'a foudroyé et laissé dans cet état, quasi végétatif, sur ce lit médicalisé. Et à côté, tout près de lui, de cet homme qu'elle a aimé, son compagnon de vie, qu'elle aime encore, qu'elle aime toujours, il y a Sali. Qui veille sur "son" homme, qui l'accompagne au quotidien du mieux qu'elle le peut, avec une affection intense, attentive à tout ce qu'il peut percevoir, éprouver, ressentir encore. Un peu.
Bien sûr Sali n'est pas seule pour affronter ce drame. Ses deux enfants sont là. Poucet, le garçon, le plus jeune, encore à la maison, fait tout ce qu'il peut pour soulager Sali. Mais comment faire face aux larmes silencieuses de sa mère, comment ne pas en vouloir à ce père qu'on a toujours connu debout, fort et volontaire, et qu'on découvre à présent totalement sans défense et à la merci de tous, et en particulier de cette mort qu'on souhaite parfois, qu'on craint toujours, et qui se fait attendre au fil des jours et de ce temps qui n'en finit pas de passer.
Ces sentiments, ces émotions, la fille aînée les éprouve aussi, elle qui ne vient qu'en pointillé parce que, décidément, c'est trop dur, insupportable, cette lente mais inexorable agonie.
Et puis il y a aussi la gentille voisine, toujours prête à rendre de petits services, pour soulager, pour aider. Une dame qu'on ne peut s'empêcher d'aimer, sous les mots de Marine Westphal, malgré ses petites maladresses, son désir de bien faire, d'aider fait du bien au moral.
Et bien sûr il y a le personnel infirmier, dont les visites rythment les journées de Sali et de Bartolomeo. Toutes ces petites mains ô combien nécessaires et à qui l'auteur de ce premier roman rend un bien bel hommage ici.
Voilà. Vous dire que ce roman m'a singulièrement émue n'est pas nécessaire. Vous l'aurez compris à la lecture de cet avis. Ce roman est beau, tout simplement. Beau par cet amour et la leçon qu'il nous offre. Beau par cette écriture à la fois sensible et sincère. Ce qui est dit ici, c'est la vie. Un bel hymne à la vie que Marine Westphal nous fait partager et ressentir. Jusqu'au bout.