Principe de suspension
Nouvelle lecture faite avec les 68 premières fois pour la sélection de janvier dernier, ce "Principe de suspension" de Vanessa Bamberger, paru chez Liana Levi est encore pour moi une très bonne pioche!
Tout commence le 4 mars dans une chambre d'hôpital où gît Thomas, 40 ans, sans connaissance. A ses côtés, Olivia, sa femme, essaie d'obtenir des informations sur l'état de son mari. Thomas a été victime d'une puissante crise d'asthme qui, selon le médecin, n'est pas la première, qui a été précédée de signes annonciateurs négligés et, surtout, qui est la conséquence directe d'un mélange de froid, d'un stress intense et d'un effort physique inhabituel.
Retour en arrière, deux semaines plus tôt. 20 février. Couché au côté d'Olivia, Thomas ne dort pas. Pourtant le couple est en vacances à la montagne, une manière comme une autre de fêter leurs 15 ans de mariage et de se retrouver, tous les deux, loin de l'agitation de leur vie quotidienne. Mais Thomas n'arrive pas à dormir. Trop de choses dans sa tête. Trop de choses non dites. Trop de choses laissées en suspens, et qu'il doit gérer, ou dont il va devoir s'occuper dès son retour, si ce n'est pas avant...
Deux chapitres, deux situations qui se recoupent, qui se ressemblent, qui se rejoignent et qui nous intriguent. Qu'a-t-il bien pu se passer entre ces deux dates? Qu'est-ce qui a bien pu causer cette crise d'asthme chez Thomas? Et ce stress qui l'habite complètement, d'où vient-il? à quoi est-il dû? Et pourquoi Olivia semble-t-elle également découvrir cette situation?
C'est ce que Vanessa Bamberger s'attache à nous raconter au fil de ce roman à la construction originale, alternant entre présent et passé plus ou moins proche. De quoi nous faire comprendre ce qui a conduit Thomas sur ce lit d'hôpital. Ainsi, par petites touches (les chapitres sont assez courts et tous introduits par une définition accompagnant les mots "principe" et "suspension"), la vie du couple se dessine. Olivia, artiste peintre, discrète, presque effacée, Thomas, dynamique patron d'une PME "Packinter" de 37 ouvriers, spécialisée dans la fabrication d'embouts en plastique. Tous deux, parents de deux fils. Une famille modèle, comme il en existe des millions en France. Et pourtant, une famille confrontée tout à coup à un drame, quand son "pilier" s'effondre, ne répond plus alors qu'il a toujours tout mis en oeuvre pour gérer à la fois sa vie de couple, sa vie de famille et son entreprise.
J'ai aimé cette histoire qui nous permet de découvrir le quotidien d'un patron d'entreprise moyenne et tout ce qu'il doit gérer, supporter, porter. J'ai aimé cette construction, conçue un peu comme un jeu de ping-pong, qui permet d'en savoir un peu, mais pas trop, pas tout d'un coup. Une construction qui ménage un certain suspense, qui nous tient en "suspension", nous aussi. Comme Olivia. Comme Thomas.
Ce roman se lit assez vite, portés comme on l'est par cette attente et cette curiosité bien légitime. Les sentiments, les émotions, les interrogations aussi sont bien interprétés. Ni trop, ni trop peu. Les caractères sont bien définis même si Vanessa Bamberger ne se prive pas du plaisir de perturber un peu ses personnages, de les confronter à des situations inattendues et de les faire réagir.
Il y a du style dans ce roman. Un peu comme une musique que l'on écoute en bruit de fond, qui nous accompagne et qu'on se surprend à fredonner à notre tour comme pour appartenir, nous aussi, à l'histoire...