Le marié de la Saint-Jean

Publié le par Martine

Le marié de la Saint-Jean

Tout commence par une photo de famille. Un père, ses trois fils, et la mère, présente malgré le fait qu'elle n'aurait pas dû poser à côté des "hommes". Nous sommes en 1967. à Angkor, devant la statue du Bouddha à quatre têtes, par un chaud après-midi de juillet. Cette photo est unique. Elle ne devrait pas être, n'aurait pas dû être. Et pourtant elle est là. Zhida, le fils aîné, 15 ans, la tient entre ses mains, précieusement, véritable trésor pour lui qui a traversé tant et tant d'épreuves au cours des dix années qui ont suivi et qui l'ont amené, lentement mais sûrement, à son mariage, en cette veille de la Saint-Jean en 1977, à la Gallifrère, près de Luçon, en Vendée.

Il s'en est passé des choses en 10 ans, dans la vie de Zhida. Il a tout connu, ou presque. La guerre, la peur, la séparation, la fuite, l'exil, l'arrivée dans un nouveau pays, l'accueil, l'installation, l'intégration jusqu'à sa rencontre avec la belle, dynamique et flamboyante Gabrielle, son entrée dans cette famille de fermiers vendéens qui l'accueille en toute simplicité, quasiment comme un fils. 

Tout ceci, il l'a vécu et partagé avec son jeune frère cadet, de trois ans plus jeune que lui, Zhikiang. Les larmes, le chagrin, l'espoir, les joies, ils ont tout partagé, et même plus encore parce que Zhikiang a une mémoire phénoménale, il n'oublie rien. Pourtant les souvenirs qui remonte au coeur de Zhida sont les siens, et seulement les siens. Et c'est par sa voix de jeune garçon, de jeune homme puis d'homme, qu'Yves Viollier nous conte ce destin, même pas hors normes puisqu'il est celui de tant et tant d'hommes et de femmes, d'enfants ayant tout abandonné, fui cette guerre qui ravageait leur pays, le Cambodge, pour tenter de sauver leur vie et de la poursuivre, du mieux qu'ils pouvaient dans notre France, éternel pays d'accueil.

L'histoire de Zhida, Yves Viollier l'a voulue comme un roman même si elle s'inspire d'une histoire vraie. Mais même en sachant cela, en abordant cette lecture comme telle, je n'ai pas pu m'empêcher d'y trouver des similitudes avec des récits confiés, à l'abri d'un cours de français par mes élèves cambodgiennes. Certains passages, certaines évocations, je les ai entendues vraiment. Et c'était comme si je les entendais à nouveau. Rouvrant d'un coup les émotions ressenties auparavant.

Car ce récit de Zhida est émouvant bien sûr. On en veut un peu à certains pour leurs attitudes et on apprécie d'autant et encore plus les comportements d'autres personnes, qui n'écoutent que leur coeur et démontrent une générosité immense et un magnifique esprit de solidarité, d'attention à l'autre, aux plus jeunes, aux "sans-défense".

Et puis à travers les mots de Zhida, c'est une magnifique lettre d'amour filial qui transperce, qui se révèle. Une lettre d'amour d'un fils pour sa mère, à ce moment précis de sa vie où il s'apprête à prendre épouse. Sa mère qu'il n'a plus revue. Sa mère qui ne sera pas présente à son mariage, au contraire de son père et de son oncle. Sa mère qu'il contemple sur cette photographie, alors que les souvenirs remontent à la surface en ces chaudes journées et nuits de fin juin.

Bien sûr que j'ai aimé cette lecture. Comment aurait-il pu en être autrement? Yves Viollier nous peint un tableau saisissant de vérité et d'authenticité, où les hommes et les femmes sont terriblement humains, avec leurs qualités et leurs défauts. Porté par cette écriture pleine et sans faux-semblants, ce récit nous touche en plein coeur, nous émeut et nous fait sourire. Et puis à travers ces mots, c'est aussi tout un monde qui s'offre à nous, un monde aux couleurs exotiques, un monde aux couleurs bien de chez nous et un monde d'amour sincère puisqu'un mariage se prépare et va avoir lieu.

"Le marié de la Saint-Jean". Editions Presses de la Cité.

 

Le marié de la Saint-Jean
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M
Comme il est fort de trouver dans ces lectures des échos à notre propre vie.
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P
Je connais l'auteur, pas le titre, mais tu me tentes...
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M
N'hésite pas! Il est excellent! Bonne journée, Philippe!
Z
Un livre que je n'aurais peut-être pas chercher àlire. Merci pour a chronique
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M
Et pourtant il le mérite vraiment! Merci Zazy. Bonne journée!