L'Imperfetta-L'Imparfaite
"Personne ne peut voler la liberté de celui qui la porte en lui." Ces mots, ce sont ceux que lui répète sans cesse le père de Catena. "Nul ne peut voler tes pensées. Personne ne peut t'ôter tes convictions profondes." Et pourtant c'est bel et bien ce que vont tenter de faire la deuxième épouse de son père après le décès de ce dernier, ainsi que son oncle. La première en obligeant la jeune fille de 16 ans à peine à effectuer les pires travaux dans la maison pour qu'elle puisse continuer d'y vivre. Le second en ayant envers la jeune fille des gestes et attitudes ambigus, voire lubriques et obscènes. Tant et si bien que Catena, terrorisée, exténuée, ne trouve de refuge que dans la fuite et dans la forêt qui l'accueille...
Tout ceci vous rappelle certainement quelque chose, les contes de notre enfance, ceux que Disney s'est efforcé d'embellir mais qui dans leur version première sont autant de récits effrayants et pourtant formateurs.
Et de fait, c'est ce qu'est ce premier roman de Carmela Scotti "L'Imperfetta". Un conte intemporel qui pourrait se dérouler dans n'importe quel pays, à n'importe quelle période et qui garderait toujours sa qualité, sa beauté et sa cruauté. Parce que, oui, la vie peut être belle mais sait aussi se montrer bien cruelle.
Ce roman, c'est un apprentissage, un passage obligé entre l'enfance, la jeunesse et l'âge adulte. Un chemin formateur que chacun de nous est appelé à vivre pour grandir, mûrir.
Certes la vie de Catena reste du domaine de l'imaginaire et, presque, du fantastique. Je me suis d'ailleurs laissée d'abord porter par la musicalité des mots avant de prendre conscience de leur sens réel et effectif. Comme une voix me contant cette histoire, celle de Catena, me laissant bercer par ces mots et le rythme que leur a insufflé Carmela Scotti.
Il est très rare, pour moi, de lire ce style de texte, que je qualifierai d'initiatique. J'en ai déjà pleinement apprécié la qualité littéraire dans la "Fable d'amour" et dans "La petite lumière" d'Antonio Moresco, auteur italien également. J'y ai retrouvé cette puissance qui fait qu'on se laisse emporter, loin, très loin dans le domaine de l'imagination, tout en restant cependant les deux pieds bien ancrés sur terre. Une lecture qui nous place sur un fil fragile, aux frontières de l'imaginaire et du réel. une lecture qui nous fait prendre conscience de la beauté du monde, de ce que la vie a de merveilleux et de formidable tout en nous confrontant à toute sa misère, toutes ses vicissitudes et à son drame.
Un premier roman italien qui m'a singulièrement et sincèrement émue et qui, à mon avis, mérite de franchir la barrière des Alpes et d'être traduit en français.
Et une lecture de plus pour le mois italien d'Eimelle!