Le bâtard de Palerme
Peut-être vous souvenez-vous du petit train du bonheur qui emmenait les animaux du cirque dans Dumbo et qui montait péniblement à la cime d'une colline en répétant "J'y arriv'rai" avant de se laisser glisser à la descente en chantant "ça y est, j'l'ai fait!!!". Et bien, aujourd'hui, je suis assez dans cet état d'esprit après avoir refermé ce roman de Luigi Natoli, premier tome de l'Histoire des Beati Paoli "Le bâtard de Palerme", paru aux éditions Métailié, collection Suites
Ce roman, je l'ai repéré dans la revue Page, présenté par Florence Raut de la librairie italienne La Libreria à Paris. De suite, l'histoire m'a interpellée mais, car il y avait un "mais" et de taille, ce premier tome d'une série de trois volumes contenait pas moins de 1056 pages! De quoi freiner toute envie de lecture sauf... que, l'été arrivant, Brize est revenue me tenter avec son défi "le pavé de l'été" et qu'alors, comme le petit train de Dumbo, je me suis dit "J'y arriv'rai!" en me donnant, dans un premier temps, trois semaines pour ce faire à raison d'une cinquantaine de pages lues chaque jour. Et puis...
Commencée dimanche soir dernier, 31 juillet, je me suis tellement laissée prendre par cette histoire ô combien foisonnante que, huit jours et quelques veillées tardives plus tard, j'ai terminé cette lecture à 00h41 cette nuit. Et, depuis, je chante "ça y est, j'l'ai fait!!!" même si un petit serrement au cœur m'étreint à la pensée de ne pas retrouver dans un futur proche le cavalier Blasco de Castiglione auquel je me suis diablement attachée!
En janvier 1698, au palais du duc de la Motta, Emanuele d'Albamonte, à Palerme en Sicile espagnole, Donna Aloisia apprend la mort du duc, tombé au combat, alors qu'elle vient de donner naissance à leur fils. Accablée par cette disparition tragique, la duchesse s'en remet alors aux mains de son beau-frère, Don Raimondo, qui, pour ravir le titre de duc et tout ce qui va avec, n'hésite pas à commanditer l'assassinat de Donna Aloisia et de son petit Emanuele. Mais tout ne se passe pas comme prévu et si la duchesse périt bel et bien, son enfant, lui, est recueilli par Don Girolamo Ammirata et son épouse Dame Francesca.
Cette belle entrée en matière nous ouvre alors les portes des quatre grandes parties qui composent ce roman en nous projetant de suite en septembre 1713. La Sicile s'apprête alors à passer sous la coupe du roi de Savoie, Vittorio Amedeo et c'est dans une Palerme en liesse qu'arrive le cavalier Blasco de Castiglione. Impétueux, déterminé, aventureux, il a pour lui la fougue de sa jeunesse et de sa beauté naturelle et, contre lui, le fait de ne pas connaître ses origines, en particulier paternelles. Et si on peut douter quelque temps qu'il soit en fait le petit Emanuele, l’ambiguïté est vite levée car rien ne correspond vraiment et surtout pas l'âge que devrait avoir effectivement l'enfant recueilli. Alors qui est donc le beau Blasco dont Donna Gabriella et Donna Violante, respectivement deuxième épouse et fille de Don Raimondo de la Motta, vont tomber amoureuses toutes les deux? Qui est donc ce cavalier courageux qui va se lier d'amitié avec le chevalier Coriolano de la Floresta? Qu'est devenu Emanuele? Et pourquoi ces hommes de l'ombre, les fameux Beati Paoli, font-ils autant trembler Don Raimondo, au point de lui faire requérir les services de l'ignoble sbire Matteo Lo Vecchio?
Au risque de vous en gâcher l'attrait et le plaisir de la découverte, je ne peux pas vous raconter plus avant ce roman foisonnant, où il y a des bons et des méchants, où les méchants sont vraiment méchants, où certains bons deviennent aussi méchants et où, quand même, les vrais bons restent bons! Des rivalités, des jalousies, de la cupidité, des désirs de justice, de reconnaissance, des retournements de situation, des aventures rocambolesques, ce roman nous en offre tant et plus, rythmant notre lecture et nous passionnant pour le destin unique de Don Blasco. Mais ce n'est pas tout. Sous-titré "Histoire des Beati Paoli 1", cet imposant roman nous fait découvrir une société secrète, des hommes de l'ombre, qui ne sortent et n'agissent que dans l'obscurité de la nuit ou des catacombes secrètes de Palerme, des hommes pour qui la justice et l'honneur signifient tout, au péril de leur vie. Des "Robin des Bois" siciliens qui, contre toute attente, deviendront malgré eux les premiers mafieux...
Et ce roman, c'est aussi une magnifique leçon d'Histoire de l'Italie, loin d'être encore unifiée, avec ses différents royaumes, ses conquêtes et reconquêtes, ce royaume de Sicile passant des mains espagnoles aux mains savoyardes avant de redevenir espagnoles cinq ans plus tard.
Bien sûr je compte cette lecture pour le défi Pavé de l'été de Brize mais aussi pour le challenge Il Viaggio d'Eimelle même si elle ne peut pas entrer (à un siècle prés) pour son thème d'août qui est "l'Italie des années 1400, 1500, 1600".