L'effroyable beauté de vivre

Publié le par Martine

L'effroyable beauté de vivre

Deux ans que j'attendais de lire à nouveau Bertrand Runtz. Depuis son roman "N'oublie pas de mourir", paru aux éditions du Jasmin, tout comme ce recueil de nouvelles "L'effroyable beauté de vivre". Et, quand on apprécie l'écriture d'un auteur, deux ans c'est long. Très long. Tellement même que lorsqu'on a, enfin!, la nouvelle publication en mains, on hésite, on recule le moment de commencer sa lecture parce qu'on sait qu'il n'y en aura sûrement pas d'autre avant plusieurs mois, plusieurs longs mois, et qu'il va falloir à nouveau attendre (et ça, quand, comme moi, on n'est pas patient, c'est vraiment dur!!!)

Alors on prend ce recueil, on le hume, on s'en imprègne Et on l'ouvre. Enfin! Et on lit.

Première nouvelle "La GS bleue". Et c'est parti. Et on sait de suite qu'on va passer un délicieux moment, de délicieux moments en l'occurrence puisque la lecture d'un recueil de nouvelles peut se "découper" justement en plusieurs parties indépendantes les unes des autres. Et ça marche! Et ça fonctionne! Car, outre cette qualité indéniable d'une excellente maîtrise de ce genre littéraire qu'est l'écriture de nouvelles, Bertrand Runtz possède, en plus, l'art et la manière de nous parler de nous. Nous, femmes ou hommes, c'est selon, avec nos qualités et nos défauts, avec nos avantages et nos travers, avec nos ressemblances et nos différences, avec nos émotions, nos incohérences et ... nos indifférences.

En quelques mots, l'auteur nous dresse une situation classique ou plus actuelle, mais toujours une situation qu'on peut être amené à vivre, une situation dans laquelle on se retrouve, et ces situations, ce sont des personnages auxquels on peut facilement s'identifier qui s'y confrontent ou y sont confrontés. Et c'est en cela que ces nouvelles nous touchent, nous émeuvent, nous font sourire ou glisser une larme. Dans cette connaissance de l'âme humaine, dans cette reconnaissance face à nous-même à laquelle Bertrand Runtz nous invite et dans l'écriture de laquelle il excelle.

Que ce soit dans la vente de cette "GS bleue", fidèle voiture de Jean, que son épouse se résout à vendre plusieurs mois après le décès de ce dernier. Ou dans "les sucres", ces fameux sucres qui accompagnent les thés ou cafés pris en salons ou bars et que Marie-Solange se surprend à emporter systématiquement "parce qu'après tout ils sont payés" comme le faisait toujours sa grand-mère. Ou dans cette randonnée que Jacques souhaite à tout prix effectuer avec son fils parce que lui-même l'a partagée avec son propre père quelques décennies plus tôt et que c'est le seul moyen qu'il a trouvé pour lui dire un dernier au revoir, "Le lac Nègre". Ou cette affection (et peut-être plus?) qui s'installe entre cet homme encore jeune, vivant seul depuis son divorce, et sa voisine du 5ème, Héloïse si joliment prénommée, charmante vieille dame qui partage avec lui les souvenirs d'une belle existence et qui en retrouve quelques improbables attraits dans cette relation teintée de nostalgie, "J'étais une coupe portée à tes lèvres". Ou encore ces trois sœurs, les deux aînées d'un premier lit et la troisième née du deuxième mariage de leur père, qui se retrouvent et se trouvent enfin autour du cercueil paternel, "La poudre aux yeux". Toutes ces nouvelles (au nombre de 13 dans ce recueil) nous troublent et nous bouleversent.

J'ai terminé ma lecture ce matin et c'est sous l'empreinte des mots de Bertrand Runtz que je pose les miens pour vous parler de leur délicatesse, de leur poésie, de leur tendresse et de cette vie, et de son "effroyable beauté" qu'il y a à la vivre. Pleinement. Même si (et peut-être surtout si) ça fait mal Il en sortira toujours du bien.

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P
Oh quelle belle critique !<br /> Je n'ai pas l'habitude de lire des nouvelles, mais je suis vraiment tentée ;-)<br /> Gros bisous, chère Martine, et à bientôt.
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M
Alors c'est peut-être le moment d'en relire! Avec ce recueil, tu pars gagnante, ma chère Denise!!! Je t'embrasse et te souhaite une belle journée!
M
Quelle douceur dans ta conclusion j'adore les nouvelles et ne connais pas cet auteur alors je note (enfin je vais finir par ne plus venir chez toi tellement tu es tentatrice !!!)
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M
Tu me fais rire, Manika!!! :-) Merci beaucoup! Et merci pour Bertrand Runtz, l'auteur de ce très bon recueil, qui mérite vraiment d'être davantage connu!