Et je danse, aussi
Petite lecture du dimanche. Belle lecture du dimanche.
Adeline Parmelan a 34 ans, vit dans la Sarthe et se présente comme ordinaire, grande, brune et grosse. Pierre-Marie Sotto est grand (1m92), a 60 ans, été marié quatre fois (contre une pour Adeline), vit dans la Drôme et, surtout, est écrivain, de surcroît couronné du Goncourt.
Quand commence ce roman d'Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat, paru chez Fleuve Editions il y a un an et chez Pocket ces jours-ci, Pierre-Marie demande, par mail, ses coordonnées postales à Adeline afin de lui renvoyer l'enveloppe volumineuse qu'elle lui a adressée et qui, croit-il, contient très certainement un manuscrit. Bien sûr Adeline lui répond et, sur des bases pas très stables de politesse, débute alors une correspondance électronique entre l'écrivain en mal d'inspiration et la jeune femme, un peu paumée ou, tout au moins, qui semble l'être.
Très vite on s'attache à ces deux personnages que tout oppose de prime abord. Ces mails amusés, attendrissants, émouvants, attentifs, à l'écoute qui s'échangent entre la Sarthe et la Drôme nous font peu à peu découvrir les univers personnels de Pierre-Marie et Adeline. Quand lui se révèle enlisé dans une solitude certes choisie mais tout de même subie, elle avoue une vie sociale et culturelle qui la comble. Elle lit (les romans de Pierre-Marie entre autres), elle chante dans une chorale et elle danse, aussi...
Et alors qu'une amitié toute virtuelle s'installe entre eux, la réalité va peu à peu s'insinuer jusqu'à se révéler pleinement. Qu'y a-t-il en effet dans cette fameuse enveloppe à la base de leurs échanges et que Pierre-Marie ne veut désormais plus rendre à Adeline?
Autant vous le dire tout de suite, j'ai adoré lire ce roman qui n'en a, pour moi, que le nom. Cette correspondance entre un écrivain et sa lectrice, c'est un cadeau, le rêve de toute lectrice en fait. On partage avec grand plaisir, avec grand bonheur, les émotions qui habitent les deux protagonistes. On s'émeut, et on rit aussi, on craint que cet échange de mails vienne à s'interrompre. On a peur, on s'inquiète et on prend les larmes aux yeux. Et puis on respire, on souffle, on s'enthousiasme, on s'encourage avec eux deux. Même si on sent bien confusément que cette correspondance n'est pas anodine, qu'il y a forcément quelque chose de plus entre Adeline et Pierre-Marie. Le suspense s'avère alors rondement mené et parfaitement maîtrisé. Cette fameuse enveloppe qu'on ouvre, ou pas, qu'on renvoie, ou pas, est toujours là, présente à l'esprit, comme un point fixe, une île au milieu d'un océan de tendresse et d'affection, ou un puits sans fond dans lequel cet homme et cette femme s'empêchent mutuellement de tomber en restant au bord, sur sa margelle. Comme si cela pouvait être possible. Comme si cela pouvait durer...