Les eaux troubles du mojito
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et autres belles raisons d'habiter sur terre...
Comment commencer à jardiner le bonheur sans penser à Philippe Delerm qui est, pour moi, LE spécialiste de la quête de ces petits moments volés au temps, bien souvent passés inaperçus, voire même complètement occultés et qui, quand on y repense, nous font dire "c'était bien", "qu'est-ce qu'on était bien"...
Ces moments de détente, de plénitude, de bonheur, Philippe Delerm en a recensés quelques-uns dans ce recueil paru aux éditions du Seuil "Les eaux troubles du mojito" (prononcez mo-ri-to, comme me l'ont fait remarquer mes enfants!).
Du plaisir à savourer une pastèque gorgée d'eau en plein été alors qu'elle n'a le goût de rien au constat fragile du bonheur de vivre à deux depuis de longues années, Philippe Delerm évoque avec douceur, avec tendresse, avec pudeur et toujours une belle lucidité ces petits riens, ces rituels, ces habitudes qui s'installent dans notre quotidien au fil du temps. Toutes ces petites banalités qui mises bout à bout apportent des repères dans nos existences, y créent des souvenirs heureux et nous font dire que la vie passe ou est passée et, ma foi, pas si mal.
Dans ce recueil, j'ai particulièrement apprécié cet enfant qui apprend à lire et qui, déjà, sous les yeux attendris de son grand-père, découvre le plaisir de la lecture quand les mots passent aussi par la bouche pour être compris, saisis et acceptés, admis. Le bonheur de cet enfant encore qui va pour la première fois dans un salon du livre (Montreuil, en l'occurrence). Les sourires qui s'échangent avec un ou des inconnus lors d'une situation commune ou événement partagés brièvement. Ces une ou deux heures de solitude volées au temps le soir suite à l'annulation impromptue d'une réunion ou d'un spectacle. Ces repas qu'on improvise parce qu'on est bien avec ses visiteurs d'un moment et qu'on veut prolonger un peu ces instants qu'on sait sans lendemain, sans suite. Et d'autres moments, d'autres instants, d'autres esquisses, d'autres partages encore dans lesquels Philippe Delerm glisse toute sa poésie, toute sa sensibilité pour nous les rendre d'autant plus uniques et précieux...
Comme ces "eaux troubles du mojito" qui nous offrent à la fois une multitude de couleurs mêlées subtilement entre elles et une explosion parfumée en bouche. Un goût, une saveur à nulle autre pareille.