Les âmes et les enfants d'abord

Publié le par Martine

Les âmes et les enfants d'abord

Ces jours-ci, je ne découvre que des pépites au cours de mes lectures. Celle-ci "Les âmes et les enfants d'abord" d'Isabelle Desesquelles paru chez Belfond en représente encore une belle démonstration.

Venise, un soir d'hiver. Il fait froid. La narratrice parcourt la ville qu'elle fait découvrir à son enfant, le tenant par la main. La place Saint-Marc, le café Florian où ils iront apprécier un chocolat chaud après avoir visité un dernier palais. Quand soudain, là, devant l'entrée, un tas de chiffon, immonde, sale, de vieux chiffons. Et ce bras qui en émerge, irrésistiblement tendu, cette main qui quémande, qui demande, qui appelle en silence. Et ses yeux à elle, la narratrice, attirés malgré elle. Et son attitude, à elle encore, qui détourne le regard, tire son enfant par la main pour avancer, vite, pour ne pas voir la misère, cette femme qui n'en est plus vraiment une, réduite à un tas de chiffons. Cette femme que la narratrice, de retour chez elle, continue de voir, partout, tout le temps. Parce que la misère, la déchéance physique et morale qui l'accompagne sont partout, tout le temps. Où que l'on soit...

Pour moi, cette lecture n'est pas vraiment un roman. C'est un constat. Dur. Amer. Lourd. Sur un sujet cruellement de société. C'est aussi une réflexion, longue et douloureuse sur ce constat, sur nos attitudes, sur ce qu'on ne voudrait pas voir et qui pourtant est là, bien présent, sous nos yeux. Ce livre, c'est cette rencontre entre deux femmes que tout oppose et qui ne se rencontreront jamais. La première, la narratrice, d'une situation aisée, mère, bien installée socialement, culturellement, avide de découvertes et de faire découvrir à son fils ce qu'elle aime, son univers, son monde. La seconde, déchue, à terre sur cette marche d'escalier, ou assise au bord d'un trottoir, réduite à mendier, sans avenir, sans perspective, seule.

Pourquoi la vie a souri à l'une et tourné le dos à la seconde? Grande et éternelle question que se pose la narratrice et à laquelle, bien évidemment, elle ne trouve et n'apporte aucune réponse si ce n'est le fait déjà essentiel de se le demander.

Cruel de réalité, empli d'une grande poésie, ce récit nous imprègne, nous bouleverse et nous interroge aussi. L'écriture d'Isabelle Desesquelles est d'une simplicité criante de vérité et en même temps d'une profondeur infinie. Chaque mot nous marque, trouve une résonance et un écho dans notre intimité et heurte définitivement notre sensibilité au moment-même où s'exprime celle de l'auteur. Comme une complicité. Pour un accord parfait entre cette lecture et nous.

Un texte court pour un effet maximal.

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