Un Printemps en novembre
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Le 5 novembre 1921, comme la plupart des villes françaises, la commune de Saint-Pont-sur-Briance s'est dotée d'un Monument aux Morts et l'inaugure en rendant un brillant hommage à ses soldats "Morts pour la France" au cours de la Première Guerre mondiale, la Der des Ders, qui s'est achevée trois ans plus tôt. Alors que le maire énumère la liste des victimes tombées au Front, il doit s'interrompre net quand Antoine Bordas, dont le nom vient d'être prononcé, se présente devant lui et la foule réunie. Commence alors le récit de la vie d'Antoine, depuis sa naissance en 1890, son enfance, sa jeunesse, le secret terrible qu'il découvre un peu "par hasard", son départ pour l'Afrique du Nord, puis son engagement au service de son pays, sa rencontre avec Gabrielle, qui lui fera connaitre sa nièce Geneviève, belle et volontaire, sa blessure et son retour chez lui, la rage au ventre et le désir farouche de rétablir la vérité sur son histoire, sa vérité. En parallèle au chemin d'Antoine, on suit celui de Marie, sa mère. Femme ancrée dans sa terre, mariée à un homme qui lui préfère, et de loin, la compagnie de sa bouteille... Une femme qui voit partir l'un après l'autre ses trois fils, chacun tentant de se construire une vie meilleure loin de ce foyer familial, chacun rattrapé par l'Histoire, chacun devant s'offrir pour son pays. Si j'ai choisi de parler de ce roman de Jean-Paul Romain-Ringuier aujourd'hui, alors que je l'ai lu courant octobre, c'est volontairement pour cette date commémorative du 11 novembre. Pour aller dans le sens que l'auteur a voulu donner à son récit, me semble-t-il. En nous contant le destin (comment l'appeler autrement?) d'Antoine, Jean-Paul Romain-Ringuier s'attarde sur une partie, une face de ce premier conflit mondial à laquelle on n'a pas souvent et vraiment porté attention: le retour de ces soldats, rentrés mutilés, gazés, et plus ou moins ignorés des gouvernants. Comme si leur combat, à eux qui étaient revenus, n'avait pas eu d'importance. Eux qui revivaient dans leurs têtes et dans leurs corps des scènes horribles, des visions d'horreur, qui devaient affronter la douleur d'avoir vu tomber leurs camarades de tranchées devant eux, eux, n'avaient soudain plus droit qu'au silence, aux regards de travers de leurs concitoyens éprouvés par ce conflit et parfois, pour les plus amochés, aux moqueries cruelles des enfants, bien souvent synonymes de peur devant quelque chose qu'ils ne comprennent pas. Dans ce roman paru aux éditions Lucien Souny, dans la collection Le chant des pays, Jean-Paul Romain-Ringuier sort de l'ombre ces soldats, rentrés chez eux dans des conditions terribles, par la vie d'Antoine à laquelle il ajoute encore un poids supplémentaire qui occupe presque toute la place dans son coeur et ce besoin irrépressible de s'en libérer enfin pour essayer de vivre. Et puis... il y a aussi ce regard porté sur ces femmes, un regard de bonté, un regard de tendresse qu'on éprouve par le simple pouvoir des mots envers Marie, Gabrielle, Geneviève, Aïcha également... Des femmes fortes, des femmes simples, courageuses, qui encaissent stoïquement les épreuves que la vie leur impose et qui gardent la tête haute, qui restent confiantes, pour leurs hommes en premier lieu, pour leur terre, pour leur pays et puis... pour elles aussi. Un roman bouleversant que ce "Printemps en novembre" qui résonne comme une belle leçon de vie.