Tu, mio
Pour la première lecture commune du mois italien autour de l'oeuvre de Erri De Luca, j'ai lu ce roman "Tu, mio" paru, pour sa traduction française de Danièle Valin, chez Rivages en 1998.
Jusqu'à présent, j'avais entendu parler de cet auteur pour ses engagements politiques et ses démêlés avec la justice mais je n'avais pas encore eu l'occasion de le lire. Heureusement Eimelle et son fabuleux mois italien m'ont permis de pallier à cette lacune et de découvrir un auteur talentueux, à l'écriture sensible, poétique et dotée d'une certaine force philosophique.
Ce roman "Tu, mio" se déroule au milieu des années 1950, sur une île de la mer Tyrrhénienne. C'est l'été et comme chaque année le narrateur, jeune garçon de 16 ans, y passe ses vacances, chez son oncle. Il y retrouve son cousin Daniele, de presque 20 ans, qui, cet été-là, lui propose de se joindre à lui et à son groupe d'amis. C'est parmi eux qu'il fait la connaissance de Caïa, plus proche en âge de Daniele que du sien. D'ailleurs la jeune fille semble d'abord attiré par le séduisant cousin du jeune narrateur, puis virevoltera de l'un à l'autre de ses camarades sans marquer d'attachement sincère durable. Ce qui ne dérange pas notre narrateur qui s'est donné pour mission de protéger et veiller sur Caïa et son secret. Car, pour lui, aucun doute, la jeune fille a un secret.
Avec les amis de Daniele, le narrateur sort les après-midi et aussi en soirée. Mais, le matin, c'est à la pêche que se rend le jeune garçon, avec Nicola, pêcheur qui lui apprend ainsi tous les rudiments de cette activité. Nicola a fait la guerre en Yougoslavie. Il traîne avec lui un passé, une histoire qui intrigue notre narrateur. Alors il l'interroge. Beaucoup. Et quand Nicola ne veut pas, ou plus, lui répondre, c'est à ses parents, à sa famille qu'il pose ses questions car, lui, n'a pas connu ces années de douleur, de crainte et d'effroi. Et il veut savoir.
Quand, par hasard, il découvre le secret de Caïa, son véritable prénom "Haia", son diminutif "Hàiele", leur relation change, évolue, se transforme en une amitié particulière, cachée, à ne pas étaler, dévoiler, à garder secrète... source de bien des nouvelles questions, de réponses apportées qui appellent d'autres interrogations auxquelles on ne peut pas, ou plus, répondre.
Ce récit, outre les magnifiques décors auxquels il nous renvoie, est celui d'une initiation, d'une évolution, d'une transformation, du passage de l'adolescence à l'âge adulte. C'est une souffrance et une reconnaissance à la fois. Souffrance pour tout ce qui ne peut pas être dit, pour tout ce qu'il faut laisser à l'enfance, oublier ou mettre de côté pour mieux accepter de grandir. Reconnaissance pour toutes les réponses qui se devinent ou sont prononcées, pour cet apprentissage de la vie, avec ses joies et ses douleurs.
C'est pour cette raison que je trouve ce texte de haute teneur philosophique. Pour cette leçon de vie qu'il nous offre, cette sagesse que l'on reçoit à travers ces constats, cette paix, cette harmonie... même si tout paraît peut-être un peu fragile encore. Mais n'est-ce pas le sens-même de la vie : toujours grandir, toujours apprendre?
Le tout servi par une écriture de toute beauté, à la fois forte et délicate.